31 janvier 2015, Marseille (France). Quelques exemples de situations emblématiques des usages du téléphone mobile affichées sous la forme d'une fresque sur une devanture de magasin. A chaque passage dans cette ville, je me demande s'il y a eu une mise à jour, mais ce n'est pas le cas pour le moment; les cas proposés étant de toute manière toujours pertinents.
De vertes barrières
21 janvier 2015, Compiègne (France). Un passage rapide dans une banlieue pavillonnaire m'a fait rencontrer toutes sortes de chose de ce genre. Il s'agit d'un assemblage de multiples barrières présentes sous des formes matérielles différentes. A droite, le "mur végétal" de cyprès si typique autour des maisons françaises, mais à gauche, on constate que le voisin ne s'est pas ménagé pour créer une zone d'intimité protégé du regard de passants (en général inexistant ici) : grillage métallique, plantes éparses, tenture sur trépied, paroi en plastique, etc. Chacun de ces dispositifs proposent une sorte d'illusion de nature représentée par la couleur verte et un vague sentiment de bazar, comme si les matériaux manufacturés avaient poussé n'importe comment.
Si ma vision de l'extérieur est ironique, il serait intéressant de voir de l'autre côté et de constater comment cette "contraption" influence le propriétaire des lieux.
Les tétrapodes de Buenavista del Norte
5 janvier 2015, Buenaviste del Norte (Tenerife). Comme beaucoup de villes côtières, la nécessité de construire une jetée a reposé sur l'utilisation de ces gigantesque structures en béton que sont les tétrapodes. Au fil du temps, la force des courants est venue éroder ces gros blocs, pour donner ce genre d'objet typique d'un Anthropocène en cours. La rugosité de la surface contraste particulièrement avec les podes présents dans des eaux plus clémentes, ou leur apparence originelle comme on peut le constater sur le brevet grenoblois de ces dispositifs.
La vue sur le cimetière
24 novembre 2014, Tokyo. A l'accueil de l'hotel, un couple de touristes asiatiques à côté de moi demandent poliment dans un anglais parfait si leur chambre a bien un vue directe sur le cimetière. L'hôtesse affirme que oui. Ce qui contente mes voisins et semble même les soulager, me laissant quant à moi intrigué par une nécessité de cet ordre.
Les pendules du Salon Murat
1er juin 2014, Palais de l'Elysée, Paris. Dans le bâtiment principal du Palais, entre la cour et le jardin, le Salon Murat est le lieu qui accueille chaque mercredi le Conseil des ministres de la République Française. La pièce comporte une grande table à laquelle siègent le président de la République et le Premier ministre (les deux se faisant face) entourés des ministres. Parce que tout ce petit monde doit garder un oeil sur le temps, et parce qu'il faut pouvoir lire l'heure des deux côtés de la table, c'est une horloge mécanique à double cadran qui est utilisée. Celle-ci, en cuivre jaune, et signée Jean-André Lepaute, permettant aux deux principaux protagonistes de lire l'heure en même temps, arbitrant de multiples débats et autres conflits.
L'emploi de cette pendule portative à double-cadran obéit à un curieux rituel. Celle-ci ne reste pas sur la table – celle-ci accueillant aussi les présentations d'invités lors des soirées organisées en l'honneur de chefs d'Etats étrangers – mais est disposée là avant chaque Conseil des Ministres. Le reste du temps, elle est placée sur la cheminée du fond, derrière une seconde horloge plus massive qui la cache au regard des visiteurs.
Ce petit objet doré – une des 320 horloges du Palais de l'Elysée – qui rythme les échanges du sommet de l'Etat fait en général son apparition dans les médias lorsque ceux-ci rapportent les tensions liées aux débats gouvernementaux, et aux discussions houleuses entre le président et le Premier Ministre. Il serait ainsi curieux de se demander comment chacun y fait référence, comment ses indications resurgissent sur les discussions, d'analyser les gestes qui s'y rapportent, voire de s'interroger sur son importance lors des années de cohabitation...
Domes de Detroit
4 octobre 2012, Detroit. La gare désaffectée de la ville est un des lieux marquants de l'endroit. Aussi gigantesque qu'inoccupé, le bâtiment interroge quant à l'ensemble de phénomènes qui a pu mener à la présence d'un immeuble aussi massif dans un tel no man's land. Mais ce n'est pas le plus curieux dans ce coin-là du Michigan. En effet, lorsque l'on se promène derrière la gare, et que l'on franchit un amas de broussailles, on trouve un ensemble de dômes géodésique. La couleur et la forme sont assez marquants, en partie par contraste avec les alentours (c'est peut-être aussi la rencontre par le passé avec une bande de raëliens proposant une architecture de ce type pour accueillir les extra-terrestres qui m'a sensibilisé à ce genre de construction).
Il semblerait que ces dômes aient été construits ici par Leo Gillis, le frère de Jack White du groupe The White Stripes, en 2000. Gillis avait acheté les dômes en kit à American Ingenuity, une organisation spécialisée dans ce type de construction.
Même s'il s'agit d'un modèle différent, ces dômes sont un exemple construit de projets de structures géodésiques proposées par l'architecte Richard Buckminster Fuller (dont on peut trouver les brevets sur le Web).
De telles structures, résolument modernistes, font partie d'un imaginaire en général associé au "futur" (celui qui devrait avoir un f majuscule), mais on peut les construire avec des matériaux finalement très simples tels que le bois. Comme par exemple avec cette structure temporaire que l'on trouvait en 2011 à Lyon lors de la Biennale d'Art Contemporain dans le jardin de la Fondation Bullukian:
Magritte à l'EPFL?
11 avril 2007, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse). L'ajout d'un mot à la signalétique locale, par un facétieux observateur qui a fait le rapprochement entre l'interdiction rédigée ici à demi-mot (traduction: si un cendrier n'est pas une poubelle, il ne faut pas jeter dedans de gros objets) et le "Ceci n'est pas une pipe" du surréaliste belge.
L'apparition de l'oiseau bleu
27 Novembre 2014, Akihabara, Tokyo. Une petite boutique dévoile son travail en cours. Un objet local attire mon attention.
D'un intérieur plutôt désordonné – rempli de cartons, de feuilles de papier éparses, de feutrine et de rouleau – apparait un oiseau bleu malicieux qui me fait un clin d'oeil. Alors qu'il n'est pas terminé, comme en atteste l'absence d'ailes, ses concepteurs semblent ici l'aérer, ouvrant tout grand les écoutilles de leur étrange atelier. L'animal semble seul, en pleine mue, bientôt prêt à voler de ses propres ailes; celles-là mêmes qu'il lui manque encore...
"Les armes qui tuent"
Certains magasins se doivent de signaler que les produits vendus engagent la responsabilité des individus qui les utilisent. Les armurerie doivent ainsi développer un argumentaire à cet effet. Cette affiche en fournit un bon exemple. En quelques mots, on voit ici ressortir une grande part des débats classiques en philosophie de la technique. L'usage des couleurs, de la ponctuation et la rhétorique sont là pour abonder dans le sens du vendeur... et défendre l'idée que les objets techniques n'ont pas d'agentivité (agency) propre. Le passant (ou le futur acheteur) devra donc se demander si c'est bien le cas, si la technologie est neutre et dépend de son utilisateur, si ce n'est pas le cas (et qu'une arme est plus agressive qu'une gomme) ou si cette opposition n'a pas lieu d'être et qu'il faut considérer l'humain et l'objet technique comme un ensemble.
Certainement une excellente image pour attaquer un séminaire sur les objets techniques.
Le Vulgar Chef est-il une ordure?
Le blog du Vulgar Chef fait clairement partie des sites essentiels que je lis au moins une fois par semaine. C'est probablement le seul site de food blogging qui m'intéresse mais il n'y a aucun doute sur le fait qu'il me parle.
Tant les recettes de cuisines déglinguées que le style ordurier de son auteur me captivent au plus au point. Et, comme au fil des années, l'étendue de ses propositions s'accroit pour arriver à former une encyclopédie incroyable d'un merdier alimentaire sans nom (je ne vois d'ailleurs pas comment mieux qualifier cela), cela retient mon attention... Je n'en suis pas à dédier un tab de mon navigateur pour lui, mais je passe certainement sur le site deux ou trois fois par semaine, en quête de nouvelles.
Photos à l'appui, le blog présente toutes sortes d'idées fascinantes qui semblent refléter les Eureka de Kyle Marcoux (l'auteur). On y trouve pêle-mêle: burgers aux buns faits de rice-krispies, tacos faits de nouilles ramen, baguettes de mozzarella fourrées au hot-dog (!), des buns constitués de mac'n cheese, du pain fait de doritos, lasagnes au spaghettios (des pâtes en forme circulaire), sushi à la marijuana, etc. Le rayon dessert n'est pas absent puisqu'on a entre autre le choix entre des cupcakes fourrés aux Oreos® nappés de beurre de cacahuète, des gateaux aux ramen, des gaufres au poulet, ou (pour le moment) des cornichons au caramel et M&Ms®. C'est donc bien là de toute évidence un wtf permanent et jouissif. Surtout la rubrique TMNT cook qui utilise des figurines de tortues ninja pour nous enseigner l'art de préparer des sauces barbecue aux fraises et aux Jalapeños.
Le Vulgar Chef vient d'ailleurs de nous faire l'honneur de compiler ces recettes dans un ouvrage culinaire récent et sobrement intitulé "The Eat Like Shit Cookbook". Là aussi, on pourra se régaler du vocabulaire employé et de la simple idée d'organiser un dîner à base de ces ingrédients. Marcoux semble en grande forme puisqu'il innove aussi avec des séquences vidéos dans lesquelles il invite ces amis musiciens de heavy-metal à cuisiner avec lui.
Même si je n'ai aucune idée de la proportion de page views de ce blog qui se transforment en une session cuisine intense, on peut voir dans ces billets un superbe condensé de scénarios prospectifs. Ce qui me surprenait au début dans les propositions de Marcoux (des desserts à base de KitKat® par exemple), ne m'étonnent plus guère, surtout quand je les vois vendus dans des restaurants français sous une forme plus sobre mais tout de même basée sur ce genre de produit industriel. Cela ne signifie pas que l'on va se retrouver avec des pizzas au crackers Belin® d'ici deux semaines, mais l'on commence à voir ce type de mélange ici et là.
Waska Tatay et le syncrétisme de l'Altiplano
Pour l'observateur s'intéressant aux enjeux de métissages, de créolisation et de syncrétisme, la lecture de Waska Tatay par Raphaël Verona et Thomas Rousset offrira un regard fascinant et curieux sur la Bolivie:
"Un voyage réel–fantasmé entre réalité et fiction à travers une société hantée de croyances syncrétiques et de magie. Travail photographique de Raphaël Verona and Thomas Rousset réalisé en Bolivie principalement dans la région altiplanique (La Paz, Oruro, Potosi, Irupana–Sud Yungas). Waska Tatay veut questionner notre rapport au réel: nous avons été frappé par la manière dont prennent vie les mythes lorsqu’ils sont partagés dans l’inconscient collectif; c’est principalement cela que nous voulions illustrer. Le mélange d’images en apparence spontanées, mais néanmoins tout aussi construites, avec d’autres nettement plus mise en scène témoignent de notre volonté de créer un langage ambigu, aux frontière de la réalité et du fantastique, à l’image de notre perception de la Bolivie."
A trouver ici
L'église connectée
Les lieux de culte ne sont pas toujours les endroits de prédilection pour découvrir des technologies de pointe. Une visite rapide d'une église (catholique romaine) à Chamonix témoigne cependant d'une exception intéressante. Passé l'entrée, un message punaisé indique en effet la marche à suivre pour la réception de la "boucle à induction", un système électromagnétique de communication (ou de détection) qui fournit une aide auditive aux personnes malentendantes utilisatrices d'appareils. Dans le cas présent, nous sommes donc bien en présence d'un système de retransmission d'informations audio pré-Wifi/Bluetooth, et qui a visiblement trouvé sa place auprès d'un public que l'on considère parfois comme victime de la fracture numérique. Or il n'en est rien.
Evidemment, il aurait été savoureux de découvrir que l'émetteur était placé directement sur la statue de la Vierge Marie mais il n'en est rien. C'est pourtant ici un bel exemple d'objet interconnecté – certes indépendant de l'Internet – et qui est effectivement utilisé depuis un bon moment.
L'homme de l'ascenseur
1. J'appuie sur le bouton d'appel de l'ascenseur, un signal électronique retentit. Il me rappelle le bruit émis par la composition automatique des numéros de téléphone il y a un certain temps... qui me fait douter sur le bon fonctionnement du sarcophage vertical.
2. Les portes s'ouvrent, un homme grisonnant apparait, vraisemblablement en pleine analyse de la situation.
3. "Il ne marche pas?" je lui demande, modérément inquiet (j'ai de l'eau et de la lecture sur moi).
4. "Je fais un test" me répond-il évasif avec une mimique faciale reflétant à la fois une concentration extrême comme si le dit test requérait une implication corporelle de détection d'ondes telluriques. Le visage crispé, l'homme est immobile mais l'ascenseur démarre.
Objet français: le papier quadrillé Séyès
La rencontre avec un morceau de papier déchiré sur le sol d'un quai du Rhône à Lyon lors d'un (re)laçage de chaussure me donne l'occasion de rédiger un billet sur ce modèle d'artefact français qu'est le quadrillage Séyès.
Breveté en août 1892 par Jean Alexandre Séyès (d'où le nom), il est composé de carreaux de 8mm de côté, avec une succession de lignes horizontales. Certaines, plus épaisses, sont séparées de trois interlignes qui le sont moins, délimitent des espaces de 2mm chacun. Absent de la photo – du fait de la pliure que je n'ai pas touché lors de la photo – un trait rouge verticale scinde la page en une partie droite d'écriture, et une partie gauche dédiée aux corrections par "le professeur". Puisqu'il s'agit ici, historiquement, du modèle de papier scolaire utilisé depuis. Le principe général de cet interlignage est de donner des repères aux élèves: les "tiges" et "pattes" des lettre sont censées atteindre un interligne (deux interlignes me semble-t-il).
Un bon exemple d'objet à l'ergonomie très cadrée et qui a circulé au fil du temps.
L'amitié à l'ère de l'anthropocène
"Don't go Neill! We want you to stick around..." dit le message placé sous l'enrobage de plastique.
A chacun ses moyens pour retenir l'Autre.
Les noms des anciens pays
Etant sur les traces de l'Amérique française ces derniers mois – en particulier la Louisiane et l'Est du Quebec – je suis fasciné par les noms des lieux, et leur pouvoir évocateur. Quelques exemples parmi les lieux rencontrés au volant, via des broches glanées ici et là, et avec l'aide de Google Maps :
En Louisiane: Ville Platte, Pointe Aux Chênes, Pont Breaux, Abbeville, Vacherie, Prejean, Lac des Allemands, Jeanerette, Chalmette, Larose, Lake Chien, Lake Raccourci, Lake La Graisse, Lake Peigneur, Caillou, Bay Chauvin, Pointe A La Hache, Lake Chapeau, Lake Tambour, Bay La Fourche, Bay of River Aux Chênes, Lake Calebasse, Bay L’Ours, Bay Dosgris, Bay Desespere, Bayou coquillage, Terrebonne, Vemillionville,
Au Québec : Bonaventure, Beaupré, Chute-aux-Outardes, L’Islet, Sept-Iles, Moisie, La Présentation, Trois Pistoles, Mont-Joli, Cap-Chat, Rivière-du-Loup, L'Isle-aux-Coudres, La Malbaie.
Venant d'Europe, il n'y aurait pas de quoi être surpris ; car des noms de ce genre, on en croise aussi en France ou en Suisse (je connais moins la Belgique). Mais, à la différence d'ici, où certains lieux ont hérité de noms latins (par exemple Charlieu, Carus locus qui signifie "Cher Lieu"), un "Vermillionville", un "Terrebone" ou "Sept-Iles" est une construction directement basée sur des mots français (en partie héritée de locutions latines ou grecques d'ailleurs). Et ils marquent souvent le caractère du lieu ("La Malbaie") ou une situation ("Lac des Allemands") de façon plus directe que certains noms d'ici. Et, lorsque en Amérique, ces termes sont croisés avec d'autres finalement plus exotiques ("Bayou coquillage", "Lake La Graisse"), l'effet est encore plus saisissant.
Pour une raison que j'ignore, ce sont plutôt les noms de lieux-dits en France qui ont un caractère évocateur à la manière de "Trois Pistoles" ou d'une "Ville Plate". "Chambery" ou "Annecy" sont certes inspirants historiquement et culturellement, mais leur effet linguistique me parait différent de ce que m'évoque les lieux-dits de Savoie: Crève-Coeur, La Crapautière, Grupillère (qu'est-ce que c'est ?), Pré Ours, Grande Terre, etc. Avec ces noms, on lit l'histoire plus directement dans la langue. C'est au fond ni bien ni mal, il s'agit là plus d'un constat neutre que je fais ici.
J'ai repensé à ce constat en lisant le dernier numéro de la revue Fiction, dans laquelle on trouve un entretien croisé de Fabrice Colin et de Serge Lehman qui aborde un thème proche:
"[Serge Lehman] Dans les années 1990, j'avais dit dans une interview que le souci avec une poursuite de voiture dans Navarro, c'est qu'elle commence à Paris pour se finir à Bobigny. Alors qu'aux Etats-Unis, elle commence à New York pour se terminer dans le désert de la mort. C'est ce que Lovecraft appelait le régionialisme cosmique. Quant une terre est par les légendes et la fiction associée à des entités supérieures, aux étoiles, aux grands démons... elle garde une psychogéographie très impressionnante. [...] En France c'est un aspect gommé non seulement culturellement, mais aussi dans le paysage. On n'arrivera jamais à faire un grand roman épique sur la Seine-et-Marne. C'est pas possible. Par contre en Guyenne oui. Parce que le nom des anciens pays a une magie. Un des grands charmes des Etats-Unis [et du Canada], c'est qu'il y a encore plein de noms indiens. Nous les noms celtes sont cachés sous 2000 ans de réécriture de la langue. Et en plus, [...] on a un art de tout rendre gris et terne par le découpage administratif. On fat la Haute et la Basse-Normandie, ou la Loire inférieure. C'est impossible de rêver sur ces trucs-là [...] Y a rien de pire que la région PACA. Comment peut-on appeler la Provence la région PACA ? [...] Pour s'en rendre compte, il suffit d'aller en Belgique ou en Suisse. On y parle français mais les noms ne sont pas pareils, et ne sonnent pas pareils. D'un seul coup, il y a un réenchantement immédiat."
Même si le constat est discutable (le gazon est toujours plus vert chez le voisin, surtout quand il est américain), il y a cependant une certaine correspondance avec ce que je décris plus haut. Peut être Lehman devrait passer plus de temps dans des lieux-dits ? Mais il n'a pas tort sur la question des découpages ou de la capacité administrative à assécher les imaginaires des lieux...
Le menu laconique QR
Tombé nez à nez avec ce menu au détour d’une rue ce matin à Genève, c’est quasi automatiquement que ma main a cherché le mobile au fond de ma poche pour prendre une photo de cet assemblage aussi laconique que fascinant.
Celui-ci ne me proposait qu’un QR code, qui malgré sa taille relativement lisible par un smartphone et son aspect centré, m’a semblé plutôt minimaliste. En effet, rares sont les documents ou affiches ne proposant que ce marqueur visuel comme moyen d’appâter le chalan. En général, ce type de technologie n’est utilisée que dans une logique d’option. "Pour aller plus loin", "pour en savoir plus" pourrait-on dire; puisqu’en scannant le code, on se retrouve sur une page web apportant des informations complémentaires. Or ici, il n’en est rien. Le QR code fait office de menu, laissant de côté les passants non-munis de smartphone et tout ceux qui ne connaissent pas cette fonctionnalité.
Est-ce que les tenanciers ont souhaité être aux avant-postes de la modernité ? Qui les a dirigé vers ce choix ? Un coup d’oeil rapide à l’intérieur montre pourtant un restaurant plus ancré dans les années 1970 que dans l’exubérance transhumaniste. S’agirait-il d’un appât à hipster (répéter ces trois mots le plus vite possible cinq fois) ? D’une expérimentation le temps des vacances ? D’un test A/B grandeur nature, un jour A, un jour B ?
Un projet de porte-avion en glace coulé à Frontenac ?
De passage dans la capitale du Québec, je me rends compte que c'est ici, au Château Frontenac, qu'a eu lieu un épisode fascinant de la Seconde Guerre Mondiale. Lors d'ne conférence militaire tenue entre les gouvernements britanniques et américains, l'amiral Lord Mountbatten, chef du département des Opérations combinées a présenté à ses collègues "Habakkuk", une machine de guerre nouvelle et censée vaincre les U-boote allemands au milieu de l'océan Atlantique. L'appareil en question, un porte-avion, avait la particularité d'être fait de "pykrete", un mélange de pâte à papier et... de glace. Cette matière aurait eu l'avantage de rendre le bateau insubmersible, tel un iceberg mais muni d'un système de réfrigération. Le terme de pykrete est un mot-valise formé de la contraction de "Pyke" (du nom du créateur du projet) et de "concrete" (béton en anglais).
Pour convaincre ses collègues, Mountbatten apporta un bloc de pykrete et, candide, déclara à l'assistance "I shall fire at the block on the right to show you the difference." Il s'exécuta, et malheureusement, la balle ricocha, frôlant la jambe d'un des amiraux pour terminer son trajet dans le mur. Malgré ce coup d'éclat, si l'on peut dire, le projet avança, jusqu'à son abandon du fait d'un coût prohibitif.
circulation de cacahuètes
“A peine découverte par les Espagnols, puis par les Portugais, l’arachide s’embarque pour l’Europe et ne tarde pas à faire son apparition dans les colonies portugaises d’Afrique de l’Ouest, où la plante est aussitôt adoptée. Les Africains la font rôtir dans le sable avec sa coque puis la broient jusqu’à former une pâte qui vient épaissir et lier les soupes et ragouts. Et lorsque après des jours et des jours d’une terrible traversée, les premiers esclaves débarquent sur les côtes brésiliennes, l’arachide fait son entrée dans le nouveau monde…” Mélani Le Bris (La cuisine des flibustiers)
Objets Suisses #1 : cartons à bananes
Parmi les objets helvétiques qui ont le plus attiré mon attention, le carton à banane tient une place à part. Présent sur les marchés aux puces (ici à Genève en l'occurrence), ou employés comme rangement ou pour des déménagements, il semble jouer un rôle de choix dans l'organisation de la culture matérielle. Un tel emballage n'est pas forcément conçu et fabriqué en Suisse, mais il y est utilisé couramment. Et beaucoup plus que dans les pays voisins pour des raisons que j'ignore.