Un cours sur les services mobiles et géolocalisés à l'UNIGE avec Mikael Rodrigues Lopes, Laura Bondi, Aissa Boubou, Pascale Boyer Barresi, Michele Caracciolo, Laura Legast, Ofra Hazanov, Sephora Guedj, Sebastien Dubey, Jessica Mattsson, Karine Lamon, D. Giamboni
Annabel Elgar et ses missing moon rocks
Vu au Musée de l'Elysée à Lausanne passé, le traval d'Annabel Elgar; une des lauréates du Prix Elysée:
"Le projet que je propose pour le Prix Elysée prend pour point de départ les roches lunaires ramenées par les missions Apollo 11 et 17, les Goodwill Moon Rocks, qui ont été volées ou sont manquantes. Parmi les 270 roches lunaires qui furent offertes aux différents pays du monde par l’administration Nixon, 180 environ ont actuellement disparu. Les procédures de recherche des roches qui n’ont pu être localisées et qui ont échappé aux chercheurs et amateurs qui voulaient retrouver la trace de certains de ces spécimens ont été compromises par la naissance d’une culture de la contrefaçon et du vol. [...] Ma proposition est de créer [...] un répertoire des découvertes potentielles de roches lunaires qui mette en lumière les différents contextes dans lesquels celles-ci ont pu être trouvées. Les images elles-mêmes hébergeraient et serviraient de cadre à des détails narratifs tirés de véritables observations et rapports au sein d’une série de différents lieux, tout en jouant par l’imagination avec la notion de fiction en tant que dispositif d’« encadrement » indexé permettant de documenter la fabrication des images."
Comme l'indique le site web de l'exposition, "les images fabriquées de ses découvertes (potentielles) mêleront vraies informations et détails imaginaires.". Un bel exemple de narration qui se déploie par une successions de photographies: machine à écrire avec un texte de demande de rançon en cours d'écriture, salle de classe japonaise avec l'une des roches, série d'images d'astronautes ayant participé à ces missions sur un mur d'école roumaine, etc.
L'aspect décousu et touffu des images permet d'explorer cette thématique fantastique en laissant l'observateur combler les manques au sein de cette séquence curieuse.
Danone street
Novembre 2009, Barcelone. Une rue Danone ? Un exemple de privatisation d'espace public à venir ? Ou juste un magasin qui essaye d'agrandir son aire d'influence ?
Les gestes du smartphone
Que voit-on sur ces photographies ? Des corps courbés, des micro-gestes, des utilisations du smartphone (composition de SMS, communication audio, consultation de messages), des mouvements plus ou moins précis… tout un ensemble d’observations qui interroge les formes d’interaction entre corps et technique.
Pour avancer là-dessus, on pourrait en premier lieu aborder le sujet en produisant une sociologie descriptive. En décrivant les gestes de manipulation du mobile, les "mises en jeu du corps", l’inscription spatiale de l’objet technique, les "ajustements mutuels”, le “couplage” comme disent certains, les "habiletés techniques”. On regarderait ainsi la prise en compte du caractère incarné des usages du smartphone sans plus de questionnement, pour mettre à jour des gestes courants, des postures typiques, des mouvements que l’on voit se reproduire couramment; pour décrire précisément le ballet gestuel lié au téléphone, du sac à l’oreille, de la poche à la table; saisir la diversité des objets liés au téléphone (du casque à la pochette de protection, à – qui sait – la smartwatch). Sans plus problématiser les choses, on se rendrait ici compte de la complexité des manières de faire et de la multiplicité des petites tactiques personnelles (mettre ici une référence à Michel de Certeau) pour s’approprier l’objet. En abordant le smartphone par ses gestes, en produisant de telles descriptions, on se rendrait vite compte que derrière chacuns se cachent des questions plus large.
Du coup, on pourrait adopter un point de vue sociologique standard en cherchant à expliquer les diverses figures gestuelles rencontrées à partir de variables socio-démographiques classiques (âge, sexe, profession, revenu, habitat, taille de la famille). Est-ce les différentes classes sociales ont la même gestuelle ? Fait-on autant de selfie suivant le lieu où le type d’environnement dans lequel on réside ? Et l’on se demanderait si la distinction théorisée par Bourdieu se retrouve dans la manière de tenir son smartphone, de le sortir en public ou d’utiliser son kit main-libre… On pourrait aussi aussi poser la question du genre et questionner ces habitudes en fonction de cette dimension.
Mais une autre façon d’approfondir pourrait consister à revenir à l’un des thèmes fétiches de la sociologie des techniques: celle du lien entre l’humain et la technique. Est-ce le smartphone – en tant qu’objet technique – qui entraine ou prédétermine ces gestes ? Ou, à l’inverse, est-ce que ceux-ci ne font que refléter les modalités d’appropriation du dispositif ? Quels sont les ressorts de ces gestes ? Que nous disent-il de notre rapport à la technique ? C’est sur cette dernière approche que je me penche en ce moment, pour faire suite au projet Curious Rituals effectué il y a deux ans.
Simondon sur "L'objet technique"
“Yves Deforge : Vous avez dans ce livre [Du Mode d’Existence des Objets Techniques], également lancé une expression qui, depuis, a pris une grande extension : c’est celle d’objet technique. Pourriez-vous nous donner le sens de cette expression et ses limites surtout ?
Gilbert Simondon : On parle d’objets esthétiques, on parle d’objets sacrés, mais n’y a-t-il pas des objets techniques ? J’ai voulu employer la même expression parce qu’il m’a semblé que cette symétrie pourrait attirer l’attention sur une lacune. Si on laisse de côté cet aspect initial, qui est plutôt une motivation qu’une raison, je crois qu’on pourrait dire qu’"objet technique” doit s’entendre en deux sens: est objet ce qui est relativement détachable, comme ce microphone, comme une pièce qu’on peut vraiment emporter avec soi, ce qui suppose qu’elle soit de dimensions manipulables et correspondant aux forces du corps humain. D’autre part, est objet aussi ce qui, dans l’histoire, peut être perdu, abandonné, retrouvé, en somme ce qui a une certaine autonomie, une destinée individuelle. Quand l’industrie produit des objets, qu’elle les lance sur le marché, après elle se désintéresse d’eux et ils ont leur existence toute personnelle. En somme, ce sont comme des organismes, bien qu’ils ne soient pas vivant. Voilà pourquoi on peut parler d’objets.
Y.D. : Le mot “technique”, ajouté à “objet” ne sous-entend-il pas que vous vous intéressez tout particulièrement aux fruits de la technique moderne, alors que les ethnologues, eux, s’intéresseront plus à des objets qui s’arrêtent à une certaine période dans le temps ?
G.S. : Oui, certainement, mais toutefois avec l’idée qu’il y a quelque chose d’intemporel dans la technicité. En somme, c’est une perspective philosophique, une perspective qui voudrait présenter le travail contemporain d’invention ou le geste d’utilisation d’un objet technique comme quelque chose qui émerge à la surface du présent mais avec un très long passé. Et je voudrais dire que la compréhension de ce long passé est ce qui donne une réalité, une authenticité à l’usage ou à la production d’un objet technique."
Gilbert Simondon. Entretien sur la technologie avec Yves Deforge (1965)
La rue virtuelle
31 janvier 2015, Marseille (France). En rénovation depuis un certain temps, la rue de la République est un bon exemple d'un lieu souhaitant afficher son potentiel futur, ou, dit autrement, sa virtualité. Plusieurs rez de bâtiments donnent à voir des intérieurs possibles, des magasins certainement souhaités par les régie détenant ces biens... une gentrification possible mais pas vraiment encore certaine d'advenir.
La ville virtuelle s'étale ainsi sur plusieurs centaines de mètres, avec toutes sortes de magasins tous plus absents les uns que les autres. La banalité des scènes représentées frappent évidemment avec la frénésie des boutiques bien réelles et présentent à quelques encablures de là. Celles où l'on peut trouver un bric à brac incroyable du bleu de travail à la corne de gazelle, en passant par des combinaisons de ski 80s, des fruits secs, des bijoux fantaisies ou des robes de mariées au couleurs chamarrées.
Situations mobiles de Marseille et d'ailleurs
31 janvier 2015, Marseille (France). Quelques exemples de situations emblématiques des usages du téléphone mobile affichées sous la forme d'une fresque sur une devanture de magasin. A chaque passage dans cette ville, je me demande s'il y a eu une mise à jour, mais ce n'est pas le cas pour le moment; les cas proposés étant de toute manière toujours pertinents.
De vertes barrières
21 janvier 2015, Compiègne (France). Un passage rapide dans une banlieue pavillonnaire m'a fait rencontrer toutes sortes de chose de ce genre. Il s'agit d'un assemblage de multiples barrières présentes sous des formes matérielles différentes. A droite, le "mur végétal" de cyprès si typique autour des maisons françaises, mais à gauche, on constate que le voisin ne s'est pas ménagé pour créer une zone d'intimité protégé du regard de passants (en général inexistant ici) : grillage métallique, plantes éparses, tenture sur trépied, paroi en plastique, etc. Chacun de ces dispositifs proposent une sorte d'illusion de nature représentée par la couleur verte et un vague sentiment de bazar, comme si les matériaux manufacturés avaient poussé n'importe comment.
Si ma vision de l'extérieur est ironique, il serait intéressant de voir de l'autre côté et de constater comment cette "contraption" influence le propriétaire des lieux.
Les tétrapodes de Buenavista del Norte
5 janvier 2015, Buenaviste del Norte (Tenerife). Comme beaucoup de villes côtières, la nécessité de construire une jetée a reposé sur l'utilisation de ces gigantesque structures en béton que sont les tétrapodes. Au fil du temps, la force des courants est venue éroder ces gros blocs, pour donner ce genre d'objet typique d'un Anthropocène en cours. La rugosité de la surface contraste particulièrement avec les podes présents dans des eaux plus clémentes, ou leur apparence originelle comme on peut le constater sur le brevet grenoblois de ces dispositifs.
La vue sur le cimetière
24 novembre 2014, Tokyo. A l'accueil de l'hotel, un couple de touristes asiatiques à côté de moi demandent poliment dans un anglais parfait si leur chambre a bien un vue directe sur le cimetière. L'hôtesse affirme que oui. Ce qui contente mes voisins et semble même les soulager, me laissant quant à moi intrigué par une nécessité de cet ordre.
Les pendules du Salon Murat
1er juin 2014, Palais de l'Elysée, Paris. Dans le bâtiment principal du Palais, entre la cour et le jardin, le Salon Murat est le lieu qui accueille chaque mercredi le Conseil des ministres de la République Française. La pièce comporte une grande table à laquelle siègent le président de la République et le Premier ministre (les deux se faisant face) entourés des ministres. Parce que tout ce petit monde doit garder un oeil sur le temps, et parce qu'il faut pouvoir lire l'heure des deux côtés de la table, c'est une horloge mécanique à double cadran qui est utilisée. Celle-ci, en cuivre jaune, et signée Jean-André Lepaute, permettant aux deux principaux protagonistes de lire l'heure en même temps, arbitrant de multiples débats et autres conflits.
L'emploi de cette pendule portative à double-cadran obéit à un curieux rituel. Celle-ci ne reste pas sur la table – celle-ci accueillant aussi les présentations d'invités lors des soirées organisées en l'honneur de chefs d'Etats étrangers – mais est disposée là avant chaque Conseil des Ministres. Le reste du temps, elle est placée sur la cheminée du fond, derrière une seconde horloge plus massive qui la cache au regard des visiteurs.
Ce petit objet doré – une des 320 horloges du Palais de l'Elysée – qui rythme les échanges du sommet de l'Etat fait en général son apparition dans les médias lorsque ceux-ci rapportent les tensions liées aux débats gouvernementaux, et aux discussions houleuses entre le président et le Premier Ministre. Il serait ainsi curieux de se demander comment chacun y fait référence, comment ses indications resurgissent sur les discussions, d'analyser les gestes qui s'y rapportent, voire de s'interroger sur son importance lors des années de cohabitation...
Domes de Detroit
4 octobre 2012, Detroit. La gare désaffectée de la ville est un des lieux marquants de l'endroit. Aussi gigantesque qu'inoccupé, le bâtiment interroge quant à l'ensemble de phénomènes qui a pu mener à la présence d'un immeuble aussi massif dans un tel no man's land. Mais ce n'est pas le plus curieux dans ce coin-là du Michigan. En effet, lorsque l'on se promène derrière la gare, et que l'on franchit un amas de broussailles, on trouve un ensemble de dômes géodésique. La couleur et la forme sont assez marquants, en partie par contraste avec les alentours (c'est peut-être aussi la rencontre par le passé avec une bande de raëliens proposant une architecture de ce type pour accueillir les extra-terrestres qui m'a sensibilisé à ce genre de construction).
Il semblerait que ces dômes aient été construits ici par Leo Gillis, le frère de Jack White du groupe The White Stripes, en 2000. Gillis avait acheté les dômes en kit à American Ingenuity, une organisation spécialisée dans ce type de construction.
Même s'il s'agit d'un modèle différent, ces dômes sont un exemple construit de projets de structures géodésiques proposées par l'architecte Richard Buckminster Fuller (dont on peut trouver les brevets sur le Web).
De telles structures, résolument modernistes, font partie d'un imaginaire en général associé au "futur" (celui qui devrait avoir un f majuscule), mais on peut les construire avec des matériaux finalement très simples tels que le bois. Comme par exemple avec cette structure temporaire que l'on trouvait en 2011 à Lyon lors de la Biennale d'Art Contemporain dans le jardin de la Fondation Bullukian:
Magritte à l'EPFL?
11 avril 2007, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (Suisse). L'ajout d'un mot à la signalétique locale, par un facétieux observateur qui a fait le rapprochement entre l'interdiction rédigée ici à demi-mot (traduction: si un cendrier n'est pas une poubelle, il ne faut pas jeter dedans de gros objets) et le "Ceci n'est pas une pipe" du surréaliste belge.
L'apparition de l'oiseau bleu
27 Novembre 2014, Akihabara, Tokyo. Une petite boutique dévoile son travail en cours. Un objet local attire mon attention.
D'un intérieur plutôt désordonné – rempli de cartons, de feuilles de papier éparses, de feutrine et de rouleau – apparait un oiseau bleu malicieux qui me fait un clin d'oeil. Alors qu'il n'est pas terminé, comme en atteste l'absence d'ailes, ses concepteurs semblent ici l'aérer, ouvrant tout grand les écoutilles de leur étrange atelier. L'animal semble seul, en pleine mue, bientôt prêt à voler de ses propres ailes; celles-là mêmes qu'il lui manque encore...
"Les armes qui tuent"
Certains magasins se doivent de signaler que les produits vendus engagent la responsabilité des individus qui les utilisent. Les armurerie doivent ainsi développer un argumentaire à cet effet. Cette affiche en fournit un bon exemple. En quelques mots, on voit ici ressortir une grande part des débats classiques en philosophie de la technique. L'usage des couleurs, de la ponctuation et la rhétorique sont là pour abonder dans le sens du vendeur... et défendre l'idée que les objets techniques n'ont pas d'agentivité (agency) propre. Le passant (ou le futur acheteur) devra donc se demander si c'est bien le cas, si la technologie est neutre et dépend de son utilisateur, si ce n'est pas le cas (et qu'une arme est plus agressive qu'une gomme) ou si cette opposition n'a pas lieu d'être et qu'il faut considérer l'humain et l'objet technique comme un ensemble.
Certainement une excellente image pour attaquer un séminaire sur les objets techniques.
Le Vulgar Chef est-il une ordure?
Le blog du Vulgar Chef fait clairement partie des sites essentiels que je lis au moins une fois par semaine. C'est probablement le seul site de food blogging qui m'intéresse mais il n'y a aucun doute sur le fait qu'il me parle.
Tant les recettes de cuisines déglinguées que le style ordurier de son auteur me captivent au plus au point. Et, comme au fil des années, l'étendue de ses propositions s'accroit pour arriver à former une encyclopédie incroyable d'un merdier alimentaire sans nom (je ne vois d'ailleurs pas comment mieux qualifier cela), cela retient mon attention... Je n'en suis pas à dédier un tab de mon navigateur pour lui, mais je passe certainement sur le site deux ou trois fois par semaine, en quête de nouvelles.
Photos à l'appui, le blog présente toutes sortes d'idées fascinantes qui semblent refléter les Eureka de Kyle Marcoux (l'auteur). On y trouve pêle-mêle: burgers aux buns faits de rice-krispies, tacos faits de nouilles ramen, baguettes de mozzarella fourrées au hot-dog (!), des buns constitués de mac'n cheese, du pain fait de doritos, lasagnes au spaghettios (des pâtes en forme circulaire), sushi à la marijuana, etc. Le rayon dessert n'est pas absent puisqu'on a entre autre le choix entre des cupcakes fourrés aux Oreos® nappés de beurre de cacahuète, des gateaux aux ramen, des gaufres au poulet, ou (pour le moment) des cornichons au caramel et M&Ms®. C'est donc bien là de toute évidence un wtf permanent et jouissif. Surtout la rubrique TMNT cook qui utilise des figurines de tortues ninja pour nous enseigner l'art de préparer des sauces barbecue aux fraises et aux Jalapeños.
Le Vulgar Chef vient d'ailleurs de nous faire l'honneur de compiler ces recettes dans un ouvrage culinaire récent et sobrement intitulé "The Eat Like Shit Cookbook". Là aussi, on pourra se régaler du vocabulaire employé et de la simple idée d'organiser un dîner à base de ces ingrédients. Marcoux semble en grande forme puisqu'il innove aussi avec des séquences vidéos dans lesquelles il invite ces amis musiciens de heavy-metal à cuisiner avec lui.
Même si je n'ai aucune idée de la proportion de page views de ce blog qui se transforment en une session cuisine intense, on peut voir dans ces billets un superbe condensé de scénarios prospectifs. Ce qui me surprenait au début dans les propositions de Marcoux (des desserts à base de KitKat® par exemple), ne m'étonnent plus guère, surtout quand je les vois vendus dans des restaurants français sous une forme plus sobre mais tout de même basée sur ce genre de produit industriel. Cela ne signifie pas que l'on va se retrouver avec des pizzas au crackers Belin® d'ici deux semaines, mais l'on commence à voir ce type de mélange ici et là.
Waska Tatay et le syncrétisme de l'Altiplano
Pour l'observateur s'intéressant aux enjeux de métissages, de créolisation et de syncrétisme, la lecture de Waska Tatay par Raphaël Verona et Thomas Rousset offrira un regard fascinant et curieux sur la Bolivie:
"Un voyage réel–fantasmé entre réalité et fiction à travers une société hantée de croyances syncrétiques et de magie. Travail photographique de Raphaël Verona and Thomas Rousset réalisé en Bolivie principalement dans la région altiplanique (La Paz, Oruro, Potosi, Irupana–Sud Yungas). Waska Tatay veut questionner notre rapport au réel: nous avons été frappé par la manière dont prennent vie les mythes lorsqu’ils sont partagés dans l’inconscient collectif; c’est principalement cela que nous voulions illustrer. Le mélange d’images en apparence spontanées, mais néanmoins tout aussi construites, avec d’autres nettement plus mise en scène témoignent de notre volonté de créer un langage ambigu, aux frontière de la réalité et du fantastique, à l’image de notre perception de la Bolivie."
A trouver ici
L'église connectée
Les lieux de culte ne sont pas toujours les endroits de prédilection pour découvrir des technologies de pointe. Une visite rapide d'une église (catholique romaine) à Chamonix témoigne cependant d'une exception intéressante. Passé l'entrée, un message punaisé indique en effet la marche à suivre pour la réception de la "boucle à induction", un système électromagnétique de communication (ou de détection) qui fournit une aide auditive aux personnes malentendantes utilisatrices d'appareils. Dans le cas présent, nous sommes donc bien en présence d'un système de retransmission d'informations audio pré-Wifi/Bluetooth, et qui a visiblement trouvé sa place auprès d'un public que l'on considère parfois comme victime de la fracture numérique. Or il n'en est rien.
Evidemment, il aurait été savoureux de découvrir que l'émetteur était placé directement sur la statue de la Vierge Marie mais il n'en est rien. C'est pourtant ici un bel exemple d'objet interconnecté – certes indépendant de l'Internet – et qui est effectivement utilisé depuis un bon moment.
L'homme de l'ascenseur
1. J'appuie sur le bouton d'appel de l'ascenseur, un signal électronique retentit. Il me rappelle le bruit émis par la composition automatique des numéros de téléphone il y a un certain temps... qui me fait douter sur le bon fonctionnement du sarcophage vertical.
2. Les portes s'ouvrent, un homme grisonnant apparait, vraisemblablement en pleine analyse de la situation.
3. "Il ne marche pas?" je lui demande, modérément inquiet (j'ai de l'eau et de la lecture sur moi).
4. "Je fais un test" me répond-il évasif avec une mimique faciale reflétant à la fois une concentration extrême comme si le dit test requérait une implication corporelle de détection d'ondes telluriques. Le visage crispé, l'homme est immobile mais l'ascenseur démarre.
Objet français: le papier quadrillé Séyès
La rencontre avec un morceau de papier déchiré sur le sol d'un quai du Rhône à Lyon lors d'un (re)laçage de chaussure me donne l'occasion de rédiger un billet sur ce modèle d'artefact français qu'est le quadrillage Séyès.
Breveté en août 1892 par Jean Alexandre Séyès (d'où le nom), il est composé de carreaux de 8mm de côté, avec une succession de lignes horizontales. Certaines, plus épaisses, sont séparées de trois interlignes qui le sont moins, délimitent des espaces de 2mm chacun. Absent de la photo – du fait de la pliure que je n'ai pas touché lors de la photo – un trait rouge verticale scinde la page en une partie droite d'écriture, et une partie gauche dédiée aux corrections par "le professeur". Puisqu'il s'agit ici, historiquement, du modèle de papier scolaire utilisé depuis. Le principe général de cet interlignage est de donner des repères aux élèves: les "tiges" et "pattes" des lettre sont censées atteindre un interligne (deux interlignes me semble-t-il).
Un bon exemple d'objet à l'ergonomie très cadrée et qui a circulé au fil du temps.