Après avoir réussi à arrêter le nuage de Tchernobyl, le gouvernement francais veut légiférer sur le contenu des sites web(projet de loi pour la "confiance" dans l'économie numérique : titre affligeant et rigolo s'il en est). Via odebi.org

Les Articles 43-8 et 43-9, même modifiés par le Sénat, au but apparent d'engagement de la responsabilité des "hébergeurs" (?) que l'on considèrererait comme des complices, imposent en réalité et en pratique à ces intermédiaires techniques le devoir de se substituer au juge, et d'appliquer les peines, en l'occurrence la censure, qui plus est avec promptitude, avant toute décision de justice établissant l'illicéité d'un contenu.(...) L'article 43-12 quant à lui, dit en substance que l'autorité judiciaire peut demander aux fournisseurs d'accès et aux "hébergeurs" (?) de supprimer un contenu s'il est hébergé en France, et de le filtrer s'il est situé à l'étranger.

L'adoption de cette mesure constituerait un choix politique unique dans le monde occidental, le législateur doit savoir que la réalité technique est que cela ne marche pas. On pourra par exemple consulter à ce sujet l'étude complète de l'expert J.R Lemaire, qui explique que pour la tentative de filtrage d'un site (qui pourra au demeurant être déplacé ailleurs dans la seconde qui suit, et ce autant de fois que nécessaire) c'est jusqu'à des centaines de milliers de sites -eux parfaitement légaux- qui deviendraient inaccessibles aux internautes français.

Les conséquences seraient par ailleurs aussi simples qu'inéluctables: les prestataires de forums français cesseraient leur activité sur le sol français, et les forums français fermeraient ou iraient s'abriter derrière le premier amendement de la constitution américaine contre lequel le législateur est impuissant, sauf à instaurer un filtrage aux frontières comme en Chine Populaire. Le projet de loi légitimerait la délocalisation des forums de discussion français aux Etats-Unis, et confronterait le législateur au choix éminemment politique du filtrage, qui serait jugé à sa juste valeur par les démocraties occidentales.

Les nuls : il ne va rien se passer pour les sites étrangers, ca ne marchera pas (techniquement irréalisable), ca fera rigoler tout le monde. Ou alors ils feront comme la Chine : un bon filtrage aux frontières.

Cependant cette news revèle deux choses : - la difficulté pour les décideurs de savoir quoi faire face à de sproblèmes trop techniques pour qu'ils puissent les saisir. (Bonne référence à ce sujet : Agir dans un monde incertain - Essai sur la démocratie technique (septembre 2001) de Michel Callon, et al). - Plus grave : les internautes français se verraient jugés et censurés de façon expéditive par des groupes privés : il s'agit d'une substitution à l'autorité judiciaire : ce serait aux hébergeurs de juger !

Par ailleurs, l'implémentation de ces techniques de filtrage inefficaces imposerait un profond remaniement de l'architecture technique des fournisseurs d'accès, dont le coût important serait nécessairement répercuté sur le prix des abonnements.

Enfin, une décision judiciaire étant publique, ce serait l'autorité judiciaire elle-même qui ferait de la publicité pour des sites illicites alors même que du fait de l'inefficacité du filtrage le site incriminé serait toujours accessible.

En résumé, ce filtrage serait : dévastateur, coûteux, et inefficace.