- [àpropos] Il faut certainement commencer par le titre de cette newsletter "lagniappe" qui a intrigué certains. Il s'agit d'un mot de français de Louisiane qui signifie "un petit extra", un bonus. Par exemple quand on achète des fruits et que le marchand en donne un de plus. Le terme provient de l'espagnol la ñapa, qui vient lui-même de la langue quechua yapay ("ajouter")... francisé en laniape ou lagniappe en Louisiane avant le 20ème siècle. C'est donc une sacrée circulation que l'on peut retrouver par exemple chez Mark Twain dans son Life on the Mississippi, mais aussi dans le langage oral de la Nouvelle-Orléans, le pays Cajun et plus largement le Sud des Etats-Unis.
- "Roboter-journalismus" : utilisation d'algorithmes de production de contenus dans le champ des médias écrits.
- Paramétricisme : se dit des formes architecturales exagérément liées à la génération automatisée via des programmes informatiques (Catia, etc.).
2. Du web à la rue
Réfléchissant ce matin à des situations sociales curieuses et récemment identifiées comme particulièrement récurrentes, je me suis dit que le troc et les ventes de la main à la main étaient de plus en plus visibles dans la sphère publique. Je ne veux pas dire par là que ces choses-là avaient disparu, mais plutôt qu'on les voit plus volontiers... en particulier du fait des sites de vente tels que Anibis ou Le Bon Coin. C'est ainsi que j'ai pu voir en deux jours une ado vendre un short en jean (à Lausanne Flon), deux étudiantes discuter de la qualité d'un sac (devant le cinéma Odéon à Paris), mais (surtout) deux personnes échanger des guides Michelin 2006/2008 contre des DVD de kung-fu (devant la fontaine Saint Michel).
Dans chacune de ces situations, profitant d'un moment d'attente dans les lieux en questions, j'ai pu constater un déroulement qui semblait suivre plus ou moins le schéma suivant : échange d'amabilités rapides et présentations réciproques, suivie de l'ouverture d'un sac duquel est sorti un objet présenté/contemplé/touché/pétri par l'interlocuteur qui émet rapidement un signe de contentement (l'affaire est dans le sac) ou un rictus dubitatif.
S'il y aurait certainement beaucoup de choses à raconter sur ce type d'échange, je suis plus fasciné par la localisation de ceux-ci, par le fait que situations n'ont pas lieu n'importe où. Mes observations n'ont pas de rigueur et ne permettent pas de généraliser, mais il m'a semblé surtout voir cela dans des lieux de passages : gares, lieux-repères de la ville et autres points de rencontre ou noeuds de circulation qui permettent à la fois un repérage facile, une forme de présence humaine alentour et un abri contre les intempéries éventuelles. Si ces situations sont la plupart du temps émergentes, au sens où ces échanges ne sont pas organisés autrement que spontanément par les parties prenantes, cela rappelle les tentatives passées de proposer des lieux dédiés. Qui ici se souvient de ces eBay exchange points que je me rappelle surtout avoir vu dans les gares helvétiques a début des années 2000. Il s'agissait de petits kiosques situés en général proche des Treffpunkts, avec une sorte de comptoir (qui permettait de déposer des objets sur un support) et un panneau montrant le logo mielleux-fantaisie du géant américain. Celui de la gare de Lausanne, où j'habitais à l'époque, était le plus souvent esseulé et les CFF (Chemins de Fer Fédéraux pour les non-Helvètes) l'ont ensuite démonté. Mais au fond, on pourrait se dire que ces kiosques étaient peut être en avance sur leur temps, cette évolution des pratiques interroge aussi sur la nécessité de se rencontrer pour échanger un bien (par opposition à l'envoi qui requiert évidemment des frais de port).
3. Facebook et la méconnaissance du tri
Lu récemment, cet article d'Alexis Madrigal qui rapport les résultats d'une étude [PDF] intéressante sur la perception et les problèmes de compréhension des informations apparaissant sur la timeline de Facebook.
En deux mots, l'étude souligne que 62.5% de leur échantillon d'utilisateurs de ce réseau social n'était pas au courant des mécanismes de sélection des contenus sur leur newsfeed. Plus intéressant encore, l'article décrit les réactions qui vont de l'énervement jusqu'à l'impression d'être "mauvais en Facebook", par exemple ils décrivent rater des contenus de leurs contacts "because they were scrolling too quickly or visiting Facebook too infrequently." Ce genre de sentiment est un classique de la littérature en sociologie de l'innovation... plus connu sous le nom de "individual-blame bias" (biais d'autoculpabilisation): le fait de reporter sur soi-même l'incapacité à adopter ou utiliser un objet technique (cf. les travaux du sociologue étasunien Everett Rogers dans sa théorie de la diffusion des innovations).
Les résultats de cette étude ne m'ont guère surpris, parce qu'il s'agit d'un phénomène que j'ai pu rencontrer avec mes collègues dans différents projets. Il y a dix ans, dans le cadre du déploiement d'un jeu géolocalisé (CatchBob!) à l'EPFL Fabien Girardin et moi nous étions confrontés à la situation curieuse suivante : dans cette espèce de chasse au trésor collaborative réalisée à l'aide de tablettes (indiquant leur géolocalisation et permettant d'échanger des messages textuels), nous avions rencontré quelques joueurs égarés qui en étaient arrivés à douter de leur localisation spatiale réelle dans l'espace physique. Et ce, car le point sur la carte qui apparaissait sur leur tablette pour représenter leur personnage indiquait une position erronée. Dans les entretiens réalisés après les parties de CatchBob!, ces joueurs nous rapportaient avoir été plongé dans un profond désarroi et ne sachant plus "où ils étaient vraiment". Ce qui est tout est de même fascinant de la part de testeurs en partie pris dans la population d'ingénieurs, utilisateurs réguliers du campus sur lequel le jeu se déroulait! Un autre cas de ce biais d'autoculpabilisation.
4. Coups de pied
Puisque je parle de situations déroutantes en lien avec des objets techniques, le visionnage successif de vidéos présentant les différentes versions du robot Big Dog (Boston Dynamics) me fait prendre conscience qu'un des traits caractéristiques de cette machine est de savoir efficacement réagir à des coups de pied de la part de ses démonstrateurs.
Comme le dit la presse tech US, c'est un "kick-proof robot". En effet, plusieurs des documents présents sur YouTube montre comment le "gros chien" arrive à reprendre l'équilibre après s'être pris une bonne mine de la part d'un type hilare pressé de montrer à la terre entière que ce robot est décidément plus résilient que ce pauvre Asimo dont on se souvient la chute mémorable dans des escaliers en 2006. Qu'est-ce que tout cela signifie ? S'agit-il d'une procédure de test standard ? Je n'en ai aucune idée, mais l'effet semble plutôt réussi, vu la manière dont c'est devenu un motif récurrent dans la communication de cette entrepris racheté par Google.
Aurevoir, et à bientôt,
nicolas
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