'lo
1. Expressions idiomatiques
hi-tech : esthétique musicale froide et électronique, dont le vaporwave ou le seapunk sont de bons exemples, qui va à l'encontre de la nostalgie inscrite dans le musique indie.
1/2 bot (demi-robot?): terme parfois utilisé pour indiquer que des contenus numériques sont générés en partie par un non-humain (programme informatique), en partie par un humain. Par exemple pour créer de courtes phrases ensuite sélectionnées pour être envoyées sur Twitter.
fauxbot: humain se faisant passer pour un bot, par exemple @horse_ebook sur Twitter qui postait des contenus ayant une apparence absurde et telle que générée par un programme.
2. Externalisation ouverte
Je suis en ce moment sur un projet de hors-série de magazine abordant le thème "algorithmes et cultures". J'ai du coup eu envie de tester les plateformes de crowdsourcing (externalisation ouverte en français d'ici et d'ailleurs). Des choses comme le turc mécanique d'Amazon qui revient le plus régulièrement dans les médias lorsque ceux-ci abordent ce sujet. Mais comme il s'avère compliqué pour le non-américain que je suis d'utiliser ce système (il faut montrer patte blanche lors d'une étape processus de soumission des propositions sur le site d'Amazon), je me suis tourné vers une autre plateforme : Rapidworkers. Celle-ci, à l'apparence plutôt négligée, croisement d'un portail web et d'un site Geocities des années nonante, pétri de clipart et de photos provenant de sites de contenus libre de droits, propose pour autant un mécanisme redoutablement simple. Après la création d'un profil en quelques clics, on est invité à alimenter un compte en espèces sonnantes et trébuchantes via PayPal, et à sélectionner des (micro-)tâches dans une liste classée suivant plusieurs critères (tarif, durée, etc.).
En quelques instants, on se retrouve à vouloir tester toutes sortes de choses aussi prometteuses qu'étranges ("Sign up and start earnings for lifetime", "images of right hand from your webcam", "Complete a Survey To Unlock a textfile and Tell Me What's In It!" ou "Ï̤f͖͛ ͙̒ȃ̺ ͇̏K̙͠í̡d̠͑ ͚̿C͎͂a̧̽n̪͒ ͙̾d͖͘ȍ͜ ̢̉t̞̓h̳̍i̹͆s͚̒ ̻͠c̺͐e̪͋r̩̈t̙̉ä͍́i͔̐n̛͎l͗͜ý̱ ͗ͅY̺͠ǫ̔ŭ̧ ̹̓T̫̋óͅo̖͑!̛̜!̓ͅ ͎͆W͔̕o̗͝r̛̹l̮͝d͊͜W͓͌ï̺ḋ͈e͇̓"). Le coût de ces tâches oscille entre 1 cents et 1.01 USD ("Most Paying"), et l'on se rend vite compte de la typologie de demandes : répondre à des questionnaires, alimenter des sites en Like et autres, télécharger des trucs, inviter des gens sur des réseaux sociaux ou écrire des courts textes de commentaires. Quelques exceptions à ces catégories font évidemment sourire ("HURRY UP Before Google take this File Down (The Secrets Of Bitcoin How You Can Make $100 In 10 Minutes )"), en partie par la capacité de certains à mettre une telle quantité d'informations dans une simple ligne de texte.
Pour tester la réalisation de ces micro-tâches, j'ai mis de côté une dizaine d'images tirées du tumblr glitchnews, qui propose une magnifique série de photos dégradées et corrompues, et j'ai demandé à des "Rapidworkers" de me proposer une description textuelle en anglais de 200 signes sur ce qu'ils imaginent voir sur ce matériau visuel. Chaque personne se voyait proposer 2$ pour réaliser ces tâches, et visiblement cela vaut le coup, car j'ai pu voir le résultat à peine une heure après (le temps surtout pour le site de valider la faisabilité des tâches). La qualité des productions est inégale, mais globalement passable, avec quelques exceptions qui frisent la poésie ("Contrary to what people generally think, life resemble far more to a marathon than to a 100 meters sprint. Sometimes, there are 100 meters sprint during the daily life, but it is only short moments."). Dernier détail, il est possible de voir l'adresse IP des contributeurs, et un petit drapeau indique le pays où résident ces personnes; sur les 8 personnes, sept étaient situées en Indonésie et la dernière en France.
A ce stade, il m'est difficile de tirer des conclusions de mon expérience; cela m'a plutôt montré la rapidité d'utilisation de la plateforme, et m'a interrogé sur les possibilités de mobilisation de tels "rapidworkers" pour faire toutes sortes de choses liées à la création de textes et d'images. Et comme il n'y a pas vraiment de programmes fiables automatisant la génération de textes à partir d'une image, je ne peux pas comparer ces lignes produites par mes taskers; mais le service est clairement rapide. Je n'ai pas encore vu passer de mémoires d'étudiants ou de rapports de consultants produits par ce type de moyen, mais peut être ai-je tout simplement été berné ? En outre, le peu d'informations sur les contributeurs ne permet pas non plus d'aller bien loin dans l'analyse de la plateforme, mais la liste de tâches, les tarifs et la localisation générale des personnes font réfléchir aux enjeux de ce type de "travail" ultra-fragmenté et très peu rémunéré. Il y a certainement une littérature sur le sujet à explorer.
3. Demi-bots
Si la mythologie greco-romaine a des demi-dieux (et la Suisse des demi-cantons), on pourrait aussi se pencher sur les demi-bots (demi-robots). Comme le montre les expressions citées plus haut de fauxbot et de 1/2bot, et le cas des rapidworkers, il y a une espèce de gradation de "comportements numériques" plus ou moins normés entre humain et non-humain (machine). Entre le programme générant des contenus sur Twitter (par exemple en utilisant des chaines de Markov) et l'utilisateur lambda sur les réseaux sociaux, on trouve toute une gamme intermédiaire, avec par exemple l'étudiant en art qui se fait passer pour un robot en écrivant des contenus absurdes à la manière d'un bot (@horse_ebook) ou ce projet de Descriptive Camera de l'artiste Matt Richardson que je décrivais dans Futurs?:
1. Expressions idiomatiques
hi-tech : esthétique musicale froide et électronique, dont le vaporwave ou le seapunk sont de bons exemples, qui va à l'encontre de la nostalgie inscrite dans le musique indie.
1/2 bot (demi-robot?): terme parfois utilisé pour indiquer que des contenus numériques sont générés en partie par un non-humain (programme informatique), en partie par un humain. Par exemple pour créer de courtes phrases ensuite sélectionnées pour être envoyées sur Twitter.
fauxbot: humain se faisant passer pour un bot, par exemple @horse_ebook sur Twitter qui postait des contenus ayant une apparence absurde et telle que générée par un programme.
2. Externalisation ouverte
Je suis en ce moment sur un projet de hors-série de magazine abordant le thème "algorithmes et cultures". J'ai du coup eu envie de tester les plateformes de crowdsourcing (externalisation ouverte en français d'ici et d'ailleurs). Des choses comme le turc mécanique d'Amazon qui revient le plus régulièrement dans les médias lorsque ceux-ci abordent ce sujet. Mais comme il s'avère compliqué pour le non-américain que je suis d'utiliser ce système (il faut montrer patte blanche lors d'une étape processus de soumission des propositions sur le site d'Amazon), je me suis tourné vers une autre plateforme : Rapidworkers. Celle-ci, à l'apparence plutôt négligée, croisement d'un portail web et d'un site Geocities des années nonante, pétri de clipart et de photos provenant de sites de contenus libre de droits, propose pour autant un mécanisme redoutablement simple. Après la création d'un profil en quelques clics, on est invité à alimenter un compte en espèces sonnantes et trébuchantes via PayPal, et à sélectionner des (micro-)tâches dans une liste classée suivant plusieurs critères (tarif, durée, etc.).
En quelques instants, on se retrouve à vouloir tester toutes sortes de choses aussi prometteuses qu'étranges ("Sign up and start earnings for lifetime", "images of right hand from your webcam", "Complete a Survey To Unlock a textfile and Tell Me What's In It!" ou "Ï̤f͖͛ ͙̒ȃ̺ ͇̏K̙͠í̡d̠͑ ͚̿C͎͂a̧̽n̪͒ ͙̾d͖͘ȍ͜ ̢̉t̞̓h̳̍i̹͆s͚̒ ̻͠c̺͐e̪͋r̩̈t̙̉ä͍́i͔̐n̛͎l͗͜ý̱ ͗ͅY̺͠ǫ̔ŭ̧ ̹̓T̫̋óͅo̖͑!̛̜!̓ͅ ͎͆W͔̕o̗͝r̛̹l̮͝d͊͜W͓͌ï̺ḋ͈e͇̓"). Le coût de ces tâches oscille entre 1 cents et 1.01 USD ("Most Paying"), et l'on se rend vite compte de la typologie de demandes : répondre à des questionnaires, alimenter des sites en Like et autres, télécharger des trucs, inviter des gens sur des réseaux sociaux ou écrire des courts textes de commentaires. Quelques exceptions à ces catégories font évidemment sourire ("HURRY UP Before Google take this File Down (The Secrets Of Bitcoin How You Can Make $100 In 10 Minutes )"), en partie par la capacité de certains à mettre une telle quantité d'informations dans une simple ligne de texte.
Pour tester la réalisation de ces micro-tâches, j'ai mis de côté une dizaine d'images tirées du tumblr glitchnews, qui propose une magnifique série de photos dégradées et corrompues, et j'ai demandé à des "Rapidworkers" de me proposer une description textuelle en anglais de 200 signes sur ce qu'ils imaginent voir sur ce matériau visuel. Chaque personne se voyait proposer 2$ pour réaliser ces tâches, et visiblement cela vaut le coup, car j'ai pu voir le résultat à peine une heure après (le temps surtout pour le site de valider la faisabilité des tâches). La qualité des productions est inégale, mais globalement passable, avec quelques exceptions qui frisent la poésie ("Contrary to what people generally think, life resemble far more to a marathon than to a 100 meters sprint. Sometimes, there are 100 meters sprint during the daily life, but it is only short moments."). Dernier détail, il est possible de voir l'adresse IP des contributeurs, et un petit drapeau indique le pays où résident ces personnes; sur les 8 personnes, sept étaient situées en Indonésie et la dernière en France.
A ce stade, il m'est difficile de tirer des conclusions de mon expérience; cela m'a plutôt montré la rapidité d'utilisation de la plateforme, et m'a interrogé sur les possibilités de mobilisation de tels "rapidworkers" pour faire toutes sortes de choses liées à la création de textes et d'images. Et comme il n'y a pas vraiment de programmes fiables automatisant la génération de textes à partir d'une image, je ne peux pas comparer ces lignes produites par mes taskers; mais le service est clairement rapide. Je n'ai pas encore vu passer de mémoires d'étudiants ou de rapports de consultants produits par ce type de moyen, mais peut être ai-je tout simplement été berné ? En outre, le peu d'informations sur les contributeurs ne permet pas non plus d'aller bien loin dans l'analyse de la plateforme, mais la liste de tâches, les tarifs et la localisation générale des personnes font réfléchir aux enjeux de ce type de "travail" ultra-fragmenté et très peu rémunéré. Il y a certainement une littérature sur le sujet à explorer.
3. Demi-bots
Si la mythologie greco-romaine a des demi-dieux (et la Suisse des demi-cantons), on pourrait aussi se pencher sur les demi-bots (demi-robots). Comme le montre les expressions citées plus haut de fauxbot et de 1/2bot, et le cas des rapidworkers, il y a une espèce de gradation de "comportements numériques" plus ou moins normés entre humain et non-humain (machine). Entre le programme générant des contenus sur Twitter (par exemple en utilisant des chaines de Markov) et l'utilisateur lambda sur les réseaux sociaux, on trouve toute une gamme intermédiaire, avec par exemple l'étudiant en art qui se fait passer pour un robot en écrivant des contenus absurdes à la manière d'un bot (@horse_ebook) ou ce projet de Descriptive Camera de l'artiste Matt Richardson que je décrivais dans Futurs?:
"... consiste en un appareil photo, qui lorsqu’il est actionné, imprime en quelques minutes une courte description textuelle de la scène observée. Si cet artefact apparaît relativement fruste, c’est dans le mode de fonctionnement de cet appareil que réside l’originalité de l’objet : une fois la photo prise, celle-ci est alors directement envoyée sur le site de financement participatif Amazon Mechanical Turk, où des participants sont invités à rédiger un texte de quelques lignes de ce que l’image contient en échange d’une modique somme d’argent. Ce paragraphe est ensuite renvoyé au boîtier et tiré sur une mini-imprimante insérée dans la machine. L’intérêt de ce projet réside moins dans l’usage du dispositif que dans sa façon de montrer une forme de collaboration singulière entre humains et non humaine. À ce propos, la NASA a eu recours à une approche similaire dans ses initiatives d’identification de cratères martiens ou de recherche d’impacts de poussières interstellaires. Des internautes volontaires sont ainsi incités à observer les photographies prises par les satellites de l’organisme nord-américain et à tâcher de reconnaître ces éléments. Cette Descriptive Camera peut donc être considérée comme une nouvelle catégorie d’artefact dont le comportement n’est ni celui d’une intelligence artificielle, ni celui d’un bon vieil objet classique."
On voit ici tout l'intérêt de ce genre de "demi-bot" et de la nécessité de finement distinguer les choses. C'est un endroit où il faut s'attarder.
4. Voir au cas par cas
Une phrase notée hier rapidement : “Je ne suis pas du tout de ceux qui pensent que l’on doit travailler sur des parchemins [soulignant ici qu'il n'est pas anti-technologie]. Or, la discussion est très polarisée dans les médias; avec des gens qui sont soit “parchemin” soit des évangélistes qui pensent que le salut de l’éducation, par exemple, doit passer par le numérique. Or je pense que ces deux positions sont fausses et déconnectées de la réalité, je pense qu’il y a une position intermédiaire, et surtout qu’il faut voir au cas par cas." comme l'a souligné hier le philosophe italien Roberto Casati venu pour notre séminaire à la HEAD – Genève. C'est en particulier cet argument qui a retenu mon attention : le fait de dire que l'on ne peut pas généraliser sur un apport générique du numérique sans égards aux situations, aux contextes et aux pratiques considérées. Et au-delà de cette courte description de sa posture, c'est sa difficulté à la tenir de façon lisible qui lui apparait difficile; il a en effet fait référence à de multiples situations dans lesquelles on lui a demandé de prendre position EN GENERAL, ce qu'il refuse comme position de principe.
eof
Au revoir, et à bientôt,
nicolas
(commentaires bienvenus par email)