1. Expressions idiomatiques
(se faire) robophoner (to be robophoned): se faire appeler par un robot, par exemple d'une compagnie d'assurance.
fursona: mot-valise formé à partir du terme "fur" et "persona", qui correspond au type de furry que prend un individu de cette communauté.
epizoic media: terme correspondant à la diversité des nouveaux médias pouvant impliquer des animaux (pigeons bloggeurs, jeu vidéo pour cochons, etc.).
2. Effaçage en règle et asynchronie
3. Observer les régions inférieures
fursona: mot-valise formé à partir du terme "fur" et "persona", qui correspond au type de furry que prend un individu de cette communauté.
epizoic media: terme correspondant à la diversité des nouveaux médias pouvant impliquer des animaux (pigeons bloggeurs, jeu vidéo pour cochons, etc.).
2. Effaçage en règle et asynchronie
Voici une pratique curieuse des utilisateurs de réseaux sociaux. Giacomo M. est l'un de mes contacts Facebook. Il ne poste pas énormément, mais suffisamment pour que je m'aperçoive d'un aspect curieux de son mur : chaque fois que je regarde son mur il n'y a qu'un unique message. A première vue, on pourrait croire qu'il n'a posté qu'une fois, mais comme je reviens régulièrement, je vois bien qu'il y a du contenu tout frais. Mais son auteur le masque ou l'efface dés qu'un nouveau message est ajouté.
Giacomo M. fait donc partie de ces utilisateurs qui pratiquent un nettoyage en règle. Il s'agit d'une sorte d'hygiène des réseaux sociaux que j'ai dernièrement entendu être abordé notamment dans le numéro 277 du podcast Spark (de la radio canadienne CBC) couvrant cette pratique. Et comme bien souvent – nez creux ou design centré-utilisateur de la part des concepteurs ? – chaque usage innovant pousse certains à créer une application basée sur l'idée sous-jacente, on voit apparaitre des services tels que Tweet deleter qui propose justement de s'occuper d'effacer vos messages sur Twitter. Cela préfigure peut être les programmes de "concierge numérique" dont parle mon collègue Fabien Girardin.
Tout cela rappelle aussi les apps telles que Snapchat, qui permet d'envoyer une photo ou une vidéo accessible par le destinataire durant une à dix secondes (ce contenu cessant ensuite d'être disponible et est supprimé des serveurs Snapchat). Ce que je trouve éclairant dans ces exemples c'est l'existence conjointe de ces pratiques et des ces apps et qui montre l'importance de la relation au temps. Sortir de l'immédiateté n'est donc pas qu'un voeu pieu. Je me souviens il y a quelques années m'être fait critiquer dans une conférence en présentant le projet Slow Messenger de mon collègue Julian Bleecker. Ce petit terminal permettait de compter le nombre de pas réalisé par son usager et d'envoyer des messages dont la vitesse dépendait de cet indicateur; ce qui faisait qu'envoyer un message rapidement nécessitait d'avoir une activité physique soutenue. Dans la conférence en question, une personne m'avait repris en signalant que ce genre de choses était inutile puisque l'intérêt des communications en ligne était justement l'immédiateté. Même s'il ne ce type de ré-introduction de relations sociales asynchrones n'est certainement pas une modalité exclusive de communication, il s'agit d'une manière parmi d'autres, au sein d'un éventail de possibilités à disposition.
A ce propos, Douglas-Edric Stanley m'indique l'existence d'un autre projet curieux du même acabit qu'il propose sur sa maison-page (j'avais envie d'utiliser ce terme désuet). Ce programme, nommé Crypt, fonctionne de la manière suivante : l'utilisateur est invité à rentre un message et une adresse email, suivi d'un code de sécurité. Le serveur de Douglas (du nom fascinant de "abstractmachine") encrypte le contenu pendant une période variant de 1 à 365 jours, après laquelle ce message est décrypté et envoyé à son destinataire. Comme l'indique la description de Crypt, "This encryption device can also be considered a temporally deferred postal delivery device." Encore un exemple intéressant de modalité de communication autorisée par le numérique (je pourrais aussi mentionner des messages qui ne s'ouvrent que dans certains lieu grâce à la géolocalisation mais je préfère m'arrêter ici).
Giacomo M. fait donc partie de ces utilisateurs qui pratiquent un nettoyage en règle. Il s'agit d'une sorte d'hygiène des réseaux sociaux que j'ai dernièrement entendu être abordé notamment dans le numéro 277 du podcast Spark (de la radio canadienne CBC) couvrant cette pratique. Et comme bien souvent – nez creux ou design centré-utilisateur de la part des concepteurs ? – chaque usage innovant pousse certains à créer une application basée sur l'idée sous-jacente, on voit apparaitre des services tels que Tweet deleter qui propose justement de s'occuper d'effacer vos messages sur Twitter. Cela préfigure peut être les programmes de "concierge numérique" dont parle mon collègue Fabien Girardin.
Tout cela rappelle aussi les apps telles que Snapchat, qui permet d'envoyer une photo ou une vidéo accessible par le destinataire durant une à dix secondes (ce contenu cessant ensuite d'être disponible et est supprimé des serveurs Snapchat). Ce que je trouve éclairant dans ces exemples c'est l'existence conjointe de ces pratiques et des ces apps et qui montre l'importance de la relation au temps. Sortir de l'immédiateté n'est donc pas qu'un voeu pieu. Je me souviens il y a quelques années m'être fait critiquer dans une conférence en présentant le projet Slow Messenger de mon collègue Julian Bleecker. Ce petit terminal permettait de compter le nombre de pas réalisé par son usager et d'envoyer des messages dont la vitesse dépendait de cet indicateur; ce qui faisait qu'envoyer un message rapidement nécessitait d'avoir une activité physique soutenue. Dans la conférence en question, une personne m'avait repris en signalant que ce genre de choses était inutile puisque l'intérêt des communications en ligne était justement l'immédiateté. Même s'il ne ce type de ré-introduction de relations sociales asynchrones n'est certainement pas une modalité exclusive de communication, il s'agit d'une manière parmi d'autres, au sein d'un éventail de possibilités à disposition.
A ce propos, Douglas-Edric Stanley m'indique l'existence d'un autre projet curieux du même acabit qu'il propose sur sa maison-page (j'avais envie d'utiliser ce terme désuet). Ce programme, nommé Crypt, fonctionne de la manière suivante : l'utilisateur est invité à rentre un message et une adresse email, suivi d'un code de sécurité. Le serveur de Douglas (du nom fascinant de "abstractmachine") encrypte le contenu pendant une période variant de 1 à 365 jours, après laquelle ce message est décrypté et envoyé à son destinataire. Comme l'indique la description de Crypt, "This encryption device can also be considered a temporally deferred postal delivery device." Encore un exemple intéressant de modalité de communication autorisée par le numérique (je pourrais aussi mentionner des messages qui ne s'ouvrent que dans certains lieu grâce à la géolocalisation mais je préfère m'arrêter ici).
3. Observer les régions inférieures
La semaine passée, au lieu de faire descendre la pile d’ouvrages liées à des recherche en cours, je me suis laissé dans un énième roman de l’écrivain espagnol Enrique Vila-Matas. Et, comme à chaque fois que je pense me lancer dans une forme aigüe de procrastination, je suis tombé sur un multitude de choses qui viennent nourrir mon travail (ou légitimer cette manière de repousser la lecture de volumes ma foi plus prioritaires). A la page 150-151, j’ai par exemple surligné plusieurs fois la phrase suivante :
"Je n’étais à l’aise que dans les régions inférieures, à l’image de [Robert] Walser, comme je le découvrirais des années plus tard. Je ne prêtais qu’attention aux évènements les plus minuscules, à tout ce qui m semblait provisoire, transitoire. Les grands mots ne m’intéressaient pas […] on notait aussitôt chez moi une tendance irrépressible à évoluer dans les régions inférieures, car après le début majestueux composé de phrases pleines de considérations transcendantes sur le monde, je bifurquais très vite vers les choses minuscules auxquelles j’accédais par une élémentaire association d’idées qui me menait vers des territoires qui n’avaient rien de grandiose mais étaient, en revanche, très agréablement infimes et finissaient par s’orienter vers une conclusion arbitraire faite de phrases ne rappelant en rien le début solennel et arrogant.” Enrique Vila-Matas (Docteur Pasavento p.150-151)
Partageant cette envie de mettre de côté les grands concepts pour mieux focaliser – et décrire – des régions inférieures, j’ai bien aimé ce paragraphe. Il correspond au genre de chose qui m’intéresse. Mais au fond, pourquoi est-ce que tout cela est-il important ? Est-ce que je peux expliciter pourquoi je pense que c'est un angle d’attaque pertinent ? On pourrait commencer en disant que tout renvoi aux productions de l’auteur suisse Robert Walser est important (note pour plus tard: aller fouiller ses textes et ses microgrammes, textes écrits d’une écriture minuscule sur toutes sortes de supports), mais je ne fait que repousser ma réponse en disant cela. Au fond, ce que j’aime bien dans cette notion de régions inférieures, et de l’intérêt que le personnage de Vila-Matas semble leur porter, c’est leur aspect banal, leur dimension “mundane” comme on pourrait le dire en anglais.
Dans mon cas, dans mon travail qui consiste à comprendre les pratiques et les usages du numérique, cela correspond je pense à me pencher sur les aspects soi-disant triviaux du comportement des personnes en questions. Cela renvoie à la possibilité de saisir toute la complexité des individus et des groupes lorsque ceux-ci font quoi que ce soit : tendre le bras en l’air avec son smartphone en croyant naïvement que la qualité du réseau en sera accrue, lire un livre interactif sur Nintendo 3DS sous un drap pour former une ambiance lumineuse adéquate, donner des coups de pied dans un distributeur de café voleur de monnaie, etc. De ces choses minuscules observées ici et là, il est possible d’en tirer une compréhension de la subtilité des pratiques humaines. Leur description (cognition ?) est intéressante, mais il est éventuellement possible de s’en servir pour d’autres activités. Par exemple dans la création de services, d’interfaces, de produits, etc. dans le champ du design; où en passant des heures à critiquer des projets “potentiellement innovants” avec des personnes qui ont aussi compris la nécessité de prendre ces “détails” en compte.
4. Mes algorithmes au quotidien
Pour mettre en application une telle démarche, voici un cas concret… qui consiste pour le moment en un résumé d’une communication intitulée "Mon quotidien procédural"... qu’il faut que je prépare pour l’atelier « Les faiseurs d’algorithmes: vers des formes hybrides de production de collectifs et de gouvernance? » au Congrès de la Société Suisse de Sociologie :
"Portes, smartphone, clés, podomètres, réseaux sociaux... tous ces objets techniques mettent en branle un nombre plus ou moins important d’algorithmes qui viennent s’immiscer dans diverses situations quotidiennes. Nous en connaissons bien les conséquences. Pensons par exemple à la manière dont les rappels d’anniversaires sur Facebook (indiqués sous la forme d’un rappel avec une icône de paquet cadeau et le nom du bénéficiaire) déclenchent chez certains un afflux de messages. Cela correspond aussi aux incompréhensions face aux systèmes de porte automatique (comment ouvrir une porte qui n’a pas de poignée ?) ou de clés connectés… ou aux systèmes d’attribution de places dans les avions. Ces derniers occupant des groupes Facebook entiers discutant de mécanismes invisibles et incompréhensible. Pensons également à la manière dont certains usagers astucieux ont compris qu’il pouvait attacher leur bracelet-podomètre sur un animal afin de tromper la compagnie d’assurance leur offrant un rabais en échange d’une activité physique soutenue. En examinant une série de situations quotidiennes reconfigurées par la présence des technologies de l’information et de la communication cette communication s’intéressera aux manières dont les usagers déconstruisent le fonctionnement des algorithmes sous-jacents à ces objets techniques."
Cela faisait longtemps que j’avais envie de me pencher sur ce genre de situations – région inférieure – et cet atelier semble être une bonne occasion. Comment procéder ? Je pense d’abord réunir du matériel concernant les cas présentés dans le résumé ci-dessus, par exemple en les décrivant sous forme d’une succession d’étapes (chaîne opératoire ? procédure ? pour faire attention au terme algorithme galvaudé aujourd'hui comme le souligne Ian Bogost) pour ensuite les comparer avec les mêmes situations antérieurement sans soutien technique. L’idée étant que la comparaison pourra éclairer la diversité des types de changements en cours. A préparer donc.
au revoir, et à bientôt
nicolas
(commentaires bienvenus par email)