1. Expressions idiomatiques
- Autotopographies : terme proposé par Jennifer Gonzales pour faire référence aux objets personnels de type photo ou souvenirs qui sont arrangés comme un espèce d’autel mémoriel représentant l’identité de la personne (Source: González, Jennifer, A. "Autotopographies." Prosthetic Territories: Politics and Hypertechnologies. Gabriel Brahm Jr. & Mark Driscoll, eds. San Francisco: Westview Press, 1995. 133-150.)
- Retcon (retroactive continuity, continuité rétroactive) : ajout d'information et de faits établis dans une œuvre de fiction antérieure par l'apport de nouveaux éléments explicatifs. C'est à ce petit jeu que s'est livré Georges Lucas lors de la réédition de la trilogie originelle des épisodes de Star Wars.
- Effet ELIZA : du nom du bot de conversation ELIZA, élaboré en 1966 par Joseph Weizenbaum, désigne la tendance à assimiler de manière inconsciente le comportement d'un ordinateur à celui d'un être humain.
- Reduplication : procédé linguistique de répétition verbal. Utilisé notamment en anglais (et dans toutes sortes d’autres langues) et qui consiste à dupliquer la présence d’un verbe comme un exclamation (“Bang, bang!”), également utilisé dans l’argot hacker pour donner une connotation sarcastique: "The disk heads just crashed." "Lose, lose.” Tripler le verbe pouvant également être acceptable. (Source: catb)
2. Miroirs énergétiques
Quelques notes rédigées hier soir dans le fichier “notes” du programme “Note” du smartphone :
miroirs énergétiques économie d'énergie compréhension simpliste des humainsUn peu laconique, mais je crois me souvenir ce que j’ai voulu dire par là – ou plutôt, du genre de réflexion dont j’ai souhaité garder une trace… une réflexion sur la frénésie de projet de compteurs pour “rendre les gens attentifs à leur consommation énergétique” ou “afficher la consommation” (🏡⚡️📲).
En gros, des apps et autres objets connectés qui donnent un feedback individuel ou collectif sur la quantité d’électricité (entres autres) et dont les concepteurs pensent que l’affichage **intelligent** (= bien foutu / **design** / ludifié) permettra de maitriser sa consommation. Malgré cette intention louable, l’affaire n’est malheureusement pas si simple. Il y a derrière cette proposition l’idée qu’afficher ce type d’informations (📈 📉 📊) permettra un changement, que l’être humain est rationnel, et que si on lui montre les conséquences de ces actes (👍/👎), il va faire attention, surtout si cela permet, in fine, de soulager la facture. Un beau raisonnement utilitariste que l’on voit poindre à chaque fois qu’il y a 1. un comportement à modifier (trop gros, pas assez mobile, pas assez écologique, etc.), 2. une possibilité de collecter des données avec des capteurs. Si on peut comprendre l’importance de ces changements, il semble qu’informer les gens, les éduquer aux conséquences de leurs actes ou modifier le rapport coût/bénéfice avec des taxes ou des incitations ne soit guère suffisant.
Comme il est difficile de parler de cela EN GENERAL, c’est bien de rester sur les compteurs électriques. On peut regarder la littérature sur le sujet, et en particulier un article comme "Making energy visible: A qualitative field study of how householders interact with feedback from smart energy monitors" de Hargreaves, Nye & Burgess, tiré d’un numéro de Energy Policy de 2010. Avec un titre pareil, une mise en page aussi dense et le fait que ce type de papier est caché dans les profondeurs du web, on se dit évidemment que peu de porteur de projets de ce genre vont s’y intéresser… Alors que c’est exactement le genre de considérations pertinentes pour avancer sur le sujet. C'est un compte-rendu d'étude de terrain suivant l’usage de compteurs **intelligents** dans quinze familles du Royaume-Uni. On peut lire là-dedans toute la complexité de la situation, la remise en question de la capacité de l’affichage à économiser, le fait que ces dispositifs sont très genrés, etc. Les verbatims sont un trésor d’informations, qui montrent que le diable se cache dans les détails, et qu’il est tout de même possible de faire des propositions pertinentes.
A ce sujet, le projet de design spéculatif Energy Babble représente une vision alternative à ce type de compteur. Il s’agit d’un d’appareil qui rejoue des messages en partie créés par des bots et programmes curieux (ou envoyés par SMS par ses utilisateurs) et dont le contenu, en général, concerne la façon dont les gens parlent d’enjeux environnementaux. Une sorte de radio étrange poussant de manière indirecte à faire attention à son usage de l’électricité. Est-ce suffisant ? C’est en tout cas un dispositif en cours de test dans des foyers également au Royaume-Uni, avec l'hypothèse que les messages déroutants diffusés de façon répété, (mais aléatoire) puissent amener à des changements de pratique.
3. Smartwatch + Emoji ⌚
Quand je lis les articles sur les smartwatch, en particulier dans la presse locale, j'ai la drôle d'impression qu'on ne parle pas vraiment du détail, comme si tout était dans les gros chiffres ou dans la menace provoquée par l'Eglise de la disruption. Cet article, par exemple, nous donne des informations bien facétieuses ("la croissance estimée par l’institut Canalys, de près de 900% du nombre de pièces vendues en 2014") et des considérations très précises sur l'objectif attendu: "Une chose est certaine: pour s’imposer, elle doit être facile d’emploi et véritablement utile." Avec une telle assertion, on est bien parti... vu la difficulté à définir au préalable en quoi un nouveau produit/service peut être utile (exercice du soir : lister des exemples ni utile à priori ni facile à utiliser qui sont employés massivement). Alors qu'au fond c'est au concret qu'il faut s'intéresser, à la manière de créer des interfaces pertinentes et adaptées aux usagers, aux habitudes acquises, aux enjeux contextuels, etc. Et de ce point de vue je me rends compte en écoutant Laurence Allard – venu jeudi dans notre séminaire à la HEAD – que les emojis sont un enjeu pertinent à ce sujet (mais qui m'était passé complètement sous le nez). Voici mes notes un peu brouillonnes :
"Les écrans portés peuvent donner lieu à des usages en coup d’oeil (glanceable interactions) et favorables aux formes minimales et phatiques de communication (faire des like, communication non-verbale avec des emojis). Conçue initialement pour donner l’heure en mobilité, la montre-bracelet connectée permet de compter son temps communicationnel à travers ces mots-images émettables."
L'aspect minimal de l'interface, et le peu de disponibilité attentionnelle que l'on peut prêter à la montre connecté implique donc des formes de communication qui tiennent compte de ce particularisme. D'où les emojis. Pas sûr que tout cela ne rentre bien dans les codes du luxe (osef), mais plutôt OK pour les iWatches et autres Pebbles. Une dimension à creuser.
4. "Futurists don't predict the future"
Ce billet de Madeleine Ashby arrive à point nommé. En particulier parce qu'il nous rappelle que "Futurists don’t predict the future. We see multiple outcomes and help you prepare for them." Un aspect peut-être évident pour beaucoup d'entre vous, mais qu'il est bon de garder dans un coin de sa tête. La plupart des rapports, ou des présentations de gourous-du-futur que je vois passer ces dernières années se contente bien souvent de proposer une sorte de mono-futur, i.e. une vision univoque de l'avenir. Pire, c'est souvent une collection de phénomènes, pratiques et situations désignés sous le nom de "tendances" ("trends")... alors que les approches en prospective sont tournées vers l'idée de produire des scénarios montrant une diversité de possibilités, je trouve toujours étrange de ne voir qu'une voie unique... qui peut être très optimiste (📈), pessimiste, (📉), bien libéral (à l'avenir tout sera comme Uber), etc. sans aucune présentation d'options alternatives. Et lorsque l'on tombe sur des injonctions du genre "préparez vous on passe du Web Media, au Mobile Media puis au Wearable Media" ou" Data will become more valuable than oil", on se demande où on est (en général face à un Powerpoint avec une grosse image et une typo sans-serif). Même sentiment lorsqu'on se voit présenter une cascade de changements décrits comme "inévitables" sans considération sur des enjeux aussi complexes que : tous les contextes ne se valent pas (si on peut imaginer des voitures sans conducteur à Phoenix, je me demande comment cela se passera à Marrakech), il y a des évènements imprévus (crises financières, black-out électrique, fuite de mots de passe, etc.), l'histoire des objets techniques nous montre que ceux-ci sont en général toujours utilisés différemment de ce pour quoi ils étaient prévus à la base, etc.
Je ne veux pas dire par là qu'il n'y a pas de changements en cours, juste qu'il faut considérer une multiplicité d'options. Est-ce que c'est trop demander ? Est-ce que cela exige trop d'attention de la part des personnes intéressées par ces rapports/présentations ? Il ne me semble pas. Dans le cadre du catalogue To Be Designed que l'on a sorti au Near Future Laboratory, cette question de la diversité des possibles était un gros enjeu. C'est la raison pour laquelle on trouve dedans une multitude d'objets (le fait de présenter un catalogue de produits avec leur description est une façon indirecte de décrire des scénarios) avec certains qui sont plausibles-mais-catastrophiques, potentiels-mais-curieux (des applications de réalité augmentée pour divertir les conducteurs de voitures sans conducteur), faisable-sous-certaines-conditions-et-utiles (une boussole DIY), vieux/vintages (une résurgence de machine à écrire Olivetti), etc. Comme l'indiquent ces qualificatifs à rallonge, tous les artefacts étaient conçus en fonction de paramètres donnés durant l'atelier de préparation, reflétant par là un ensemble de possibilités.
5. Fragments
Cette citation: "A man got to have a code." (Omar Little, The Wire)
Imaginer les reliques, fossiles et morceaux de culture matérielle dans un avenir plus ou moins lointain semble être une question qui stimule les artistes de l'Anthropocène, voir par exemple les projets suivants : Modern fossils de Christopher Locke, Futur relics de Daniel Arsham, et les calculatrices de Brian Bellott. Parfois un peu trop premier degré, mais certainement stimulants. Des Ooparts à venir ?
Onglets actuellement ouverts dans le navigateur Web : cet article sur medium concernant les manières de nommer son disque dur. Un compte-rendu du livre de Janet Vertesi sur comment le robot Rover sur Mars voit le monde qui l'entoure. Un channel slack de discussion sur les design fictions. Data cuisine, un projet d'utilisation de nourriture comme moyen de représenter des données. S'entretenir avec un conducteur de véhicule Google Street View semble être instructif. "Torture Iphone epic test burn fire ice bend drop (excerpt)" de Laurent Huret est une vidéo aussi troublante que fascinante pour toute personne qui s'intéresse à notre rapport au téléphone mobile, et, en l'occurrence à leur destruction.
Et enfin, nous (The Near Future Laboratory + étudiants de CCA + participants d'un workshop à interaction 15 à San Francisco en mars) venons de finir ce projet sur les voitures sans conducteurs : un manuel (quick-start guide) pour utilisateurs. En bref, une succession de situations à venir décortiquées; de la prospective qui tient dans la poche; une façon de discuter des conséquences et des implications d'une telle possibilité technologique.
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nicolas
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