http://arxiv.org/abs/1310.6753Salü,

1. Expressions idiomatiques
  • Telephoniphobia : le fait de craindre l’utilisation de la fonction téléphone du mobile, et, en général, de préférer des échanges asynchrones (SMS, mini-messages, email, etc.)
  • Birthday blues : terme désignant le sentiment plus ou moins déprimant de se faire souhaiter son anniversaire majoritairement par des algorithmes (SMS par un opérateur téléphonique, Facebook, etc.)
  • Brhacker: mot-valise (“braquer” et “hacker”) décrivant le fait de récupérer des données privées, terme désignant la connotation négative du terme “hacker” maintenant galvaudé.
  • Défictionalisation : néologisme désignant le fait de transformer un objet fictif (une interface dans un film de science-fiction) en un produit commercialisé (Source:  cet article de fastcompany).

2. Empathie automatique

A Saarbruck pendant deux jours pour une intervention sur les design fictions pour un client allemand. Bon échange avec l’équipe du client sur le thème de l’automatisation et notamment dans le contexte des voitures autonomes, sujet sur lequel ils accompagnent un gros fabricant automobile germanique. Si la discussion a abordé les enjeux de délégation à la machine de certaines fonction avec le cas de l’autopilote, la conversation a dérivé avec le temps – et la canicule – vers des sujets plus légers telles que les sonneries moralisatrices (dans le cas de l’absence de ceinture de sécurité) et un thème plus général, que l’on pourrait nommer "empathie automatique".

Ce terme, repéré dernièrement dans la newsletter de Tim Maly correspond aux programmes qui identifient une situation donnée, et proposent une intervention adaptée supposée venir en aide à l’utilisateur, ou montrer que l’on pense à lui. Un exemple classique concerne les recommandations de contacts sur Facebook, Twitter ou LinkedIn qui me rend toujours perplexe. Comment savent-ils que je pourrait connaitre cette personne (visiblement en comparant les réseaux sociaux de chacun et leur degré de superposition) ? Et pourquoi veulent-ils absolument que je la rajoute ?

Les plus observateurs d’entre vous auront également remarqué la manière dont toutes sortes de services se chargent aujourd’hui de nous souhaiter nos anniversaires : envoi de SMS par votre opérateur téléphonique (le mien les envoie à 12h, heure neutre alors que je suis né à 1h du matin mais il ne le sait pas), messages envoyés par un bot Twitter, rappels d’anniversaire sur Skype ou Facebook, etc. Tout cela donnant parfois une impression de "birthday harassment" dixit Joanne McNeil, ou de "birthday blues" comme décrit au-début de cette livraison.


Ces quelques exemples montrent bien qu'il y a plusieurs manières de faire... en automatisant (le SMS ci-dessus) ou en suggérant à un utilisateur la possibilité de souhaiter. Il existe aussi une troisième catégorie qui semble enthousiasmante pour des programmeurs visiblement très au fait de la psychologie humaine : la possibilité d'échelonner dans le temps l'envoi de messages prédéfinis. En bref, du "I 💖you" envoyé automatiquement donc. C'est ce que propose  BroApp ("BroApp is your clever relationship wingman. Select your girlfriend's number, create some sweet messages, and set the time of day when you want those messages sent."). De son côté Romantimantic fait plus ou moins la même chose, mais se cantonne à vous rappeler d'envoyer des messages (pré-définis) à votre "sweetheart". De "l'empathie" automatisée à plein tube.

Cela dit, les gros acteurs du domaine planchent aussi sur le sujet. Des programmeurs de Google (Alphabet Inc.) ont déposé en 2011 un brevet nommé "Automated generation of suggestions for personalized reactions in a social network" qui vise à nous aider à répondre aux sollicitations sur les réseaux sociaux en: 1. détectant les messages pertinents et auxquels donner une réponse (les anniversaires sont cités plusieurs fois), 2. en générant automatique des propositions de réponse personalisées (et basées sur votre "historique" d'échanges). On attend cela avec une impatience bien contenue. Artistes et designers ne sont pas en reste, puisqu'eux aussi nous montre que l'on peut également automatiser nos réponses aux sollicitations. " Love Machine" de Julien Deswaef permet justement de cliquer sur toutes les icônes "Like" de notre timeline Facebook, en un seul coup. C'est aussi ce que permet de le réveil-matin Electrix proposé dans le catalogue TBD (page 14) :
"With the patent-pending 'Like' mechanism you’ll never come across as a bad friend. Everything your friends have posted since you went to sleep will get a Like, a Fav, Tickle, FlyingChestBump, FistBump, Dap or a Double-Heart depending on the network."

Ce genre de propositions donne maintenant lieu à des services tels que  myliker qui se définit comme un "Facebook Auto Liker & Auto Commenting exchange system." On peut donc facilement imaginer des portions entières des réseaux sociaux dans lesquelles les machines parlent aux machines pour donner un espèce de théatre absurde de relations interpersonnelles déléguées à des programmes.

3. Fragments
🍩Que se passe-t-il lorsque l'on croise alimentation et numérique, nourriture et algorithme ? Ce croisement semble être de plus présent dans le champs du design d'interaction, comme le montre deux projets récents (l'un réalisé à la HEAD où j'enseigne, le second que j'ai encadré pour un master à Lugano): " Insightful Host" de Catherine Brand, et le chocolat "émoi" de Thoraia Binzagr. Les deux utilisent un format de design spéculatif sous la forme de vidéo, et proposent une vision critique de ces questions.

📇Cela faisait longtemps que je cherchais à remettre la main sur cette nouvelle de Ted Chiang. Elle décrit un programme curieux nommé "Remen", un outil qui va analyse le lifelog personnel (l'accumulation de photos prises par la personne) et projette des souvenirs au moment où ceux-ci viennent à l'esprit. En gros la combinaison d'un appareil photo automatique genre Memoto, un moteur de recherche, et des lunettes de réalité augmentée. La nouvelle décrit les implications pratiques et ordinaires d'une telle technologie, et notamment la difficulté d'oublier ou de pardonner.

👀Onglets actuellement ouverts dans le navigateur : une  explication sur l'importance de WeChat (app chinoise), une analyse du comportement d'enfants méchants avec des robots (qui fait écho à cet article de New Scientist sur la colère déclenché par des robots dans un hopital US), la  description du voyage 2015 des Unknown Field Division qui cette année s'intéresse aux champs de lithium en Bolivie (composant essentiel des appareils électroniques et donc des cultures numériques), cette  vidéo de Dan William de Lift 2014 sur la place des algorithmes dans notre quotidien toujours pertinente à revisionner .

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nicolas
((licence CC BY-SA 3.0 FR))