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- Crapularité (Crapularity) : une des alternatives à la "singularité", proposé par Justin Pinkard et qui correspond à la quantité d'objets de mauvaise qualité qui pourrait émerger de la combinaison des technologies d'impression 3D, du spam et de micro-paiement.
- #いらすとやさんでゲームパッケージを再現する (d'après Google Translate: "Pour reproduire le package de jeu à la Irasutoya": hashtag utilisé pour faire circuler des contenus visuels reprenant le style graphique du blog d'illustration japonais Irasutoya (Source: Killscreen).
- Human computation : le terme désigne une technique en informatique dans laquelle un programme délègue une partie de ses tâches à des utilisateurs humains, sur le modèle des microtâches sur les plateformes d'externalisation ouverte (crowdsourcing). Voir par exemple cet entretien avec l'un des responsables de la société Stitch Fix.
- Smartphone map zombie : néologisme qui décrit le fait se déplacer en regardant constamment un logiciel de navigation sur le smartphone, avec quelque moment de vague contemplation à l'environnement immédiat pour éviter un véhicule ou un autre piéton (Source: BBC).
- Commentariat : mot-valise anglophone formé des terme "commentary" et "proletariat", et qui fait référence à la classe des journalistes et personnes de média.
- Zooglers : terme utilisé pour décrire les 2000+ travailleurs de Google R&D à Zürich.
Dans un récent ouvrage du sociologue Franck Cochoy sur le sujet des usages des codes barres 2D lisibles par smartphone, l’auteur propose “de ne pas craindre de désigner des terrains ou d’entreprendre des analyses qui pourront par aventure se trouver vite obsolètes ou démenties.” (p. 17) Une bonne justification pour aborder un tel sujet visiblement, mais qui prend tout son sens lorsque l’on s’intéresse aux cultures numériques. Quelques lignes plus loin, on comprend qu’un telle invitation à considérer des objets techniques et autres pratiques technologiques provient d’une méfiance ou d'un dédain des sciences sociales envers ces sujets. Il met rapidement de côté les critiques arguant de la trivialité de ces sujets, mais il avance une autre explication qui n’est pas inintéressante : “… ces collègues savent d’expérience à quel point la prolifération de ces machins sans lendemain est une caractéristique récurrente de leurs terrains, ce qui rend la sociologie qui en traite au mieux très vite obsolète, éventuellement anecdotique, au pire vite ridicule, en vertu d’engouements naïfs vite démentis.” (p. 17-18)
Cochoy prend pour exemple les différents “cadavres technologiques” que sont le Minitel ou Second Life pour rappeler que leurs faibles usages aujourd’hui n’enlèvent rien aux recherches qui ont eu lieu à leur sujet. Pour Cochoy, au même titre que le visiophone ou le porte-monnaie électronique, ce ne sont pas juste des "cadavres vigoureux”, ou des “morts-vivants” comme il le dit. À ce sujet, même si les serveurs Minitel sont déconnectés, l’objet est toujours employé, par exemple dans les communautés de makers.
((et de la même manière, mais j’arrête de digresser après cela, est-ce que les multiples Nabaztag déconnectés des réseaux ne seraient-ils pas toujours "en usage”, mais inerte ? Note pour plus tard : remettre en route le projet de livre sur ce lapin Wifi pionnier des objets connectés ))
“Étudier les nouvelles technologies, c’est donc prendre le risque de construire sur des fondations glissantes”, à cause “d’objets techniques beaucoup trop éphémères et mutagènes” comme il le dit (p.18). Et l’auteur s’appuie sur ce constat pour faire ensuite une analyse approfondie des codes barres 2D; notamment en les resituant dans l’histoire de la "technologisation du commerce”. C’est à dire, en recontextualisant les QR codes et datamatrix dans la série des technologies du magasinage en libre service, de ces techniques destinées à capter ou à nourrir la curiosité des clients pour découvrir puis acheter un produit.

Deux points et demi me semblent intéressants ici: 1. L’importance de s’intéresser à ces objets a priori triviaux, 1.5. L’importance de s’intéresser à ces objets a priori triviaux, mais encore peu utilisés et potentiellement foireux du point de vue des usages dans une aire géographique donnée (je vois venir les critiques sur le fait que les millions d’usagers de WeChat en Chine emploient fréquemment des QR codes),, 2. À replacer ces objets dans une sorte de “série” (d’objets ou de pratiques). C’est la démarche que j’avais adopté dans mon livre sur les flops technologiques, et qui me semble toujours intéressante pour sortir d’une analyse des objets isolés les uns les autres (par exemple, replacer Skype ou Facetime aujourd’hui dans la série de projets de visiophones depuis la fin des années 1930).
Tout cela parait d’autant plus pertinent que les choses évoluent vite. Toutes sortes de pratiques ou d’objets numériques sont peu documentés d’un point de vue ethnographique, et c’est bien dommage pour deux raisons. La première est que cela aurait permis d’en conserver une trace précise, avec un regard nuancé (sans vouloir faire de l’ethnographie une simple documentation de pratiques passées). La seconde est que cela aurait tout simplement permis de mieux lire certains phénomènes d’aujourd’hui.

Pour prendre un exemple, je trouve difficile de trouver de la matière sur la scène demo des années 1989-1990 (par exemple dans la sphère francophone). Au-delà des témoignages ici et là, et des ressources produites par les participants de ces groupes, je n’ai pas trouvé de texte un peu solide qui décrirait les coding parties, la production et la circulation de demos, les activités de ces collectifs, le “comment” de leur démarches, et encore moins de matériel sur la dimension politique de leur approche. Et cela, alors que ce genre de matériel pourrait être très éclairant aujourd’hui pour recontextualiser les travaux sur les hackerspaces et autres communautés de makers, ou bien sur divers enjeux actuels de propriété intellectuelle.
🌱🌱🌱Fragments 🌱🌱🌱
👀Onglets ouverts dans le navigateur : cet article de la BBC qui décrit la nécessité de télécharger une app pour utiliser des baskets Nike auto-laçantes, une chronique qui traite d'une interrogation légitime : qui est responsable lorsqu'un bot Twitter envoie des menaces de mort ?, un texte sur Medium à propos de la poésie inhérente aux IA, et une "mini-object lesson" sur le sujet des distributeurs d'essuie-mains dans les toilettes.
📙La citation sur le sujet du détournement, pour cette livraison de Lagniappe, provient du travail de Madeleine Akrich ("Les utilisateurs, acteurs de l'innovation") qui décrit la typologie suivante :
"Le déplacement consiste à modifier le spectre des usages prévus d’un dispositif, sans annihiler ce en vue de quoi il a été conçu, et sans introduire de modifications majeures dans le dispositif. [...] On parlera d’adaptation lorsqu’il s’agit d’introduire quelques modifications dans le dispositif qui permettent de l’ajuster aux caractéristiques de l’utilisateur ou de son environnement sans pour autant toucher à sa fonction première. [...] On parlera d'extension lorsqu'un dispositif est à peu près conservé dans sa forme et ses usages de départ mais qu'on lui adjoint un ou plusieurs éléments qui permettent d'enrichir la liste de ses fonctions [...] un dispositif est détourné lorsqu'un utilisateur s'en sert pour un propos qui n'a rien à voir avec le scénario prévu au départ par le concepteur et même annihile du coup toute possibilité de retour à l'usage précédent."
Madeleine Akrich. Les utilisateurs, acteurs de l’innovation. Education permanente, Paris : Documentation française, 1998, pp.79-90.
Tout un vocabulaire que l'on n'a pas de mal à imaginer applicable à de multiples pratiques actuelles.
⛄On a brûlé le bonhomme hiver pas loin d'ici hier, c'est le printemps demain,
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– nicolas
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