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🔊 Soundtrack : Konya wa Hurricane (BO de Bubble Gum Crisis)
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💬💬💬 Expressions idiomatiques 💬💬💬

  • "Facebook fossil" : néologisme employé pour décrire les éléments d'interfaces antérieurement proposé par Facebook et qui ont progressivement disparus ("Throw a sheep", "poke", "virtual gift", ...)
  • Leijiverse : mot-valise formé de "Leiji" (prénom de Leiji Matsumoto, le créateur d'Albator et Galaxy Express 999) et "universe" désignant l'univers fictionnel créé par cet auteur japonais.
  • Propagande computationelle (Computational Propaganda) : terme employé pour faire référence à l'automatisation de la production et la propagation de messages et d'informations partiales ou erronées. En particulier l'usage via les réseaux sociaux avec des bots Twitter.
  • One-up : synonyme de "vie supplémentaire" dans les jeux vidéo, et qui de manière moins connue est une héritage des flippers des années 1960 (Source:  Atlas Obscura)
  • Nosetap : néologisme correspondant au fait d'utiliser son nez pour interagir avec l'écran d'un écran tactile (smartphone, tablette). Comme l'indique cet usager sur  Reddit : "I use my nose the most while I'm peeing." Ce terme indique aussi le fait de toucher le nez avec l'index pour signaler qu'il faut garder une information secrète
🏬🏬🏬 Chungking Mansions 🏬🏬🏬

Quelques jours à Hong Kong cette semaine pour une conférence et un atelier. Le temps de dériver et de tomber par hasard sur un des hauts lieux locaux : Chungking Mansions (重慶大廈), cette espèce de gros bâtiment de dix-sept étages situés sur le bas de Nathan Road dans Tsim Sha Tsui, et qui contient un assemblage invraisemblable d'hôtels à bas-prix, des restaurants indiens ou de cuisine sud-asiatique, et un centre commercial baroque composé de magasins de portables, de disques, de vêtements (tenue africaine, hip-hop, de divers pays asiatiques), des réparateurs de trucs en tout genre, des tailleurs de costumes. Le tout avec une faune à l'égale de cette diversité : Occidentaux en goguette, immigrés de Chine continentale, businessmen nigérians, requérants d'asiles d'ici et là, rappers ghanéens, prostituées indiennes, commerçants pakistanais et afghans, sikh en pleine prière bloquant le passage... Pour ceux qui l'ont vu, c'est la toile de fond du film "Chungking Express" de Wong Kar Wai... une espèce d'îlot multiculturel singulier, même au sein de Hong Kong, un écho postcolonial certainement. Un lieu que The Economist résume en disant que c'est "like the Spaceport Cantina in the original “Star Wars”, une terminologie critiquable, mais à la mesure de la curiosité de l'endroit. .

Passé le matin dans le bâtiment, arrivé ici sans faire attention – mon radar interne m'indiquait que ce gros bâtiment semblait plus intéressant que la flopée de magasins de montres genevoises et neuchâteloises placés alentour – j'ai dérivé passé de boutique en boutique. On y retrouve en fait le même assortiment hétéroclite d'étals que dans les endroits de ce genre que j'ai pu visiter, je pense en particulier à Belsunce (Marseille) ou à East Los Angeles (Fashion/Toys District). Revenu le soir pour un passage rapide, les magasins ouverts étaient plus parsemés, mais les visiteurs toujours aussi importants... en partie du fait des restaurants et des possibilités d'hébergement offertes dans les étages. Pour ceux qui voudraient en savoir plus, "Ghetto at the Center of the World: Chungking Mansions, Hong Kong" de l'anthropologue Gordon Mathews est un bon bouquin. En plus de décrire la vie du lieu entre 2006 et 2009, et de raconter son histoire, celui-ci explique en quoi les Chungking Mansions sont un des noeuds de ce qu'il nomme "Low-end globalization":
Low-end globalization is globalization not as practiced by the big multinationals with their batteries of lawyers and their billion-dollar budgets. It’s globalization done by individual traders carrying goods in their suitcases back and forth from their home countries. That’s the dominant form of globalization here and that’s how globalization works for 70 percent of the world’s people.”
Ce qui rappelle au fond un sujet que j'avais déjà abordé il y a quelques newsletters en arrière, avec cette relecture que je faisais des travaux des sociologues Alain Tarrius et Lamia Missaoui concernant des villes du sud de la France telles que Marseille ou le triangle Avignon-Arles-Nîmes.

Pourquoi parler de cela dans une newsletter en lien avec les cultures numériques ? Tout simplement parce que parmi les business interlopes qui se déroulent dans Chungking Mansions, le technologies de l'information et de la communication jouent un rôle fondamental. D'abord par le matériel (officiel et de contrefaçon) qu'on y trouve, mais surtout par le fait qu'il s'agit d'un noeud d'import/export international fondamental pour celui-ci. Les smartphones et les téléphones mobiles en particulier (entre autres produits électroniques, bidules shanzhai, objets connectés, vêtements ou nourritures et autres épices). Mathews estimant que jusqu'à 20% des portables actuellement utilisés en Afrique subsaharienne sont passés par ce bâtiment à un moment ou un autre. Il peut s'agir d'appareils neufs ou de seconde main (le numéro IMEI gratté). Le mode opérationnel est très simple : les négociants ("traders") africains rentrent à Hong Kong avec un visa touriste, se logent à très bas pris dans un des hôtels low-costs des Mansions, et vient récupérer une certaine quantité de terminaux... qui peuvent aller jusqu'à plusieurs milliers, pour ensuite être emmenés vers ces autres hubs que sont Dubai, Lagos, Mombasa, Nairobi, Bangkok, ou Calcutta. Suivant les finances de ces négociants, c'est la valise ou le container maritime qui servira ensuite, par des voies parfois officielles, parfois officieuses, voire franchement illégales. Mais, visiblement, la présence de balances dans les hôtels situés au-dessus en atteste, c'est le transport par bagages qui semblent toujours jouer un rôle important. La limite des 32, voire 40 kilogrammes étant importante dans ces cas là.

D'après Mathews, Chingkung Mansions, en plus de ce rôle de négociation, est aussi un lieu pour en savoir plus sur les nouvelles marchandises, les innovations à venir, pour développer sa fibre de négociants, ou tout simplement tomber sur des coups de chance. C'est toute cette dimension informelle qui semble intéressante à explorer. A priori le pouvoir des négociants est limité, ceux-ci faisant très attention à ne pas se faire refourguer de la marchandise invendable sur leurs marchés (du fait de la mauvaise qualité, de la copie, ou de paramètres inadaptés des appareils). J'espère que Mathews décrira cela dans son ouvrage, que je n'ai lu qu'au tiers. Dans tous les cas, le lien entre ce type de lieu et les discours autour de "l'innovation" sont aussi forts que peu décrits, et dans les médias, et par les chercheurs. 

🌱🌱🌱 Fragments 🌱🌱🌱

👀 Onglets ouverts dans le navigateur : une police de caractères fascinante capable d’entremêler texte et courbes de données, cet appel à contribution pour une histoire mondial de l'informatique, cette conférence sur la gouvernance numérique en Chine et en Europe, ce  numéro entier de la revue Mouvements sur la question des détritus, le  blog du nouveau projet de Silvio Lorusso sur la précarité affective et l'entrepreneuriat numérique, cette analyse de la stratégie numérique des "Trumpists", et un  article sur la manière dont la sémantique des emojis sont analysés lors de procès.

💻  Sinon, je recherche un manuel de Basicois (la version française du BASIC), si quelqu'un en cela dans ses archives (ou s'en souvient...)

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– nicolas
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