Howdy!

0. NewsletterÂ đŸ“ąâœ‰ïž
Merci de suivre Lagniappe. Un mot d'introduction pour une fois, en partie pour les nouveaux venus. Cette newsletter est au fond comme le blog que je traĂźne depuis douze ans, c'est un carnet personnel. "Carnet" parce que le format est celui de la prise de note rapide, pas toujours construite, mais avec un minimum de rĂ©flexions, parfois de l'ordre du commentaire, parfois un peu acadĂ©mique, parfois pas. Le but de tout cela Ă©tant de me pousser Ă  Ă©crire et Ă  penser Ă  toute sorte de choses liĂ©es de prĂšs ou de loin au numĂ©rique... car au fond les thĂšmes ici sont TRES variĂ©s et souples (c'est le "personnel" de "carnet personnel") : des innovations technologiques, l'Ă©chec de produits et d'apps, l'existence d'un saint patron d'internet, la critique de la notion de robot humanoĂŻde, des descriptions de pratiques de jeux gĂ©olocalisĂ©s, l'analyse d'un projet d'art nouveau mĂ©dia, Amiibos, dĂ©tournements de YouTube, projet de design fiction chinoise, etc. J'ai Ă©videmment une dĂ©finition trĂšs vague de "cultures numĂ©riques", que je m’attache Ă  dĂ©crire, parce que c'est mon travail au Near Future Laboratory.

Et "personnel" cela veut aussi dire que c'est le bazar en terme de format des articles : observations sur des pratiques observĂ©es oĂč que ce soit (et/ou lors d'un projet d'enquĂȘte de terrain), commentaires sur des articles, Ă©tonnement devant un machin trouvĂ© au marchĂ© aux puces ou sur eBay, rĂ©flexion sur un jeu vidĂ©o inexplicable, extraits de textes d'anthropologie ou de sociologie. Il y a aussi des textes courts, par exemple les expressions idiomatiques au dĂ©but qui est un bon point d'entrĂ©e pour comprendre pratiques et cultures, mais aussi des fragments finaux fournissant quelques repĂšres, en gĂ©nĂ©ral des choses que je n'ai pas encore eu le temps de digĂ©rer.

Je me rends bien compte que ce n'est pas forcément pour tout le monde et c'est parfois cryptique (normal, j'écris des livres sur des sujets comme le reggae 8-bit) ou (un peu) académique, mais c'est le mélange qui importe. Si jamais cela vous intéresse, n'hésitez pas à commenter (email ou autres) et à recommander à d'autres. Si cela ne vous intéresse pas, il vaut mieux passer son chemin...

1. Expressions idiomatiques
  • Fembot (ou gynoĂŻde, ou robotesse auparavant): terme faisant rĂ©fĂ©rence aux robots fĂ©minins (avec toute l’ambiguitĂ© de ces termes).
  • Collage en attente: garder en tete que l'on a un copier-coller sur un smartphone que l’on a interrompu pour des raisons diverses (appel tĂ©lĂ©phonique, oublie, allumage d’une cigarette, commande d’un cafĂ©, etc.)
  • Mode nounou (nanny mode) : se dit des vĂ©hicule sans conducteurs qui sont prĂ©vus pour amener/ramener les enfants Ă /de l'Ă©cole, mais qui finissent par les suivre Ă  faible distance lorsque ceux-ci prĂ©fĂ©rent marcher (Source: Jan Chipchase)

2. Ecriture Machinique 📖
On parle beaucoup de logiciels producteurs de contenus ou d’algorithmes-remplaceurs-de-journaliste. Tant chez les suiveurs de l’Eglise de la disruption, que chez artistes et designers qui s’amusent Ă  programmer des choses du genre Twitterbot ou gĂ©nĂ©rateurs de textes. Il y a une quantitĂ© de choses pertinentes Ă  observer de ce cĂŽtĂ© lĂ , et on peut retracer toute une gĂ©nĂ©alogie de crĂ©ation littĂ©raire qui explore l’écriture gĂ©nĂ©rative. Je travaille d’ailleurs sur un projet de livre sur le thĂšme, qui sortira dans quelques semaines. Mais il me semble qu’on peut aussi s’intĂ©resser Ă  autre chose, Ă  une autre forme de crĂ©ation textuelle tout aussi curieuse en allant voir ce que les algos Ă©crivent dĂ©jĂ . En regardant l’écriture des machines.

Martin Howse, dans son projet 'Diff in June' va dans cette direction. En 1673 pages, l’ouvrage dĂ©crit "a day in the life of a personal computer, written by itself in its own language, as a sort of private log or intimate diary focused on every single change to the data on its hard disk." Encore une belle forme d’archĂ©ologie des mĂ©dias Ă  l’oeuvre ici, puisque l’on a droit Ă  une tranche de vie de la machine (une journĂ©e de juin 2011). Encore faut-il savoir “lire entre les lignes” parce que c’est naturellement plein de choses pas trĂšs lisibles pour un duo oeil/cerveau non-averti. Mais la lecture rĂ©pĂ©tĂ©e, le repĂ©rage de motifs, de bribes de termes anglais, de sigles, ou de chiffres permet de comprendre des rythmes, des routines, et finalement un semblant de comportement dĂ©codable. Comme une sorte d’ethologie qui s’appliquerait Ă  une espĂšce bizarre.
Comme le dit Kenneth Goldsmith:
“Having a computer write poems for you is old hat. What’s new is that, like Wershler and Kennedy, writers are now exploiting the language-based search engines and social networking sites as source text.”

Et Ă©videmment pour quelqu’un comme lui, l’internet des objets s’annonce trĂšs prometteur:
"At first glance, armies of refrigerators and dishwashers sending messages back and forth to servers might not have much bearing on literature, but when viewed through the lens of information management and uncreative writing—remember that those miles and miles of code are actually alphanumeric language, the identical material Shakespeare used—these machines are only steps away from being programmed for literary production, writing a type of literature readable only by other bots."

Cela me rappelle la lecture de ce texte de Vincent Message intitulĂ© "Ecrivain cherche matĂ©riaux" (dans 'Devenir du Roman', 2014, Inculte) , lorsqu’il dĂ©crivait la maniĂšre dont toutes sortes de textes peut mener Ă  une expĂ©rience esthĂ©tique :
“Nous lisons chaque ligne d’un texte juridique que nous lĂącherions d’ordinaire au bout du premier paragraphe; nous frayons notre chemin dans le mode d’emploi d’un appareil Ă©lectromĂ©nager, que nous aurions remisĂ© au fond d’un tiroir dans d’autres circonstances. Traquant les intentions de ceux qui ont dĂ©cidĂ© de nous soumettre ces textes, nous laissons Ă  leur potentiel poĂ©tique une chance de s’exprimer, prĂȘtons l’oreille Ă  leur matĂ©rialitĂ© sonore, multiplions les hypothĂšses sur leur portĂ©e symbolique, relions les unes aux autres les microfictions qui pointent entre leurs lignes – mĂȘme si c’est parfois pour conclure au terme de tous ces efforts, et Ă  bout de volontĂ©, que l’insertion de ces matĂ©riaux dans le texte relĂšve du jeu potache, d’un suicide esthĂ©tique, ou encore de ce que les critiques les moins patients ou les plus dĂ©sireux de lutter contre le snobisme polymorphe qualifieront volontiers de foutage de gueule intĂ©gral."

Tout un programme.

Plus sĂ©rieusement (mais tout cela est on ne peut plus sĂ©rieux finalement), il existe de multiples sources de donnĂ©es et de traces numĂ©riques pouvant mener de prĂšs ou de loin Ă  ce genre de littĂ©rature. Et pour un peu que l’on nettoie un minimum cette produit, on eut en tirer toute sorte de chose. Du crash log d’un smartphone ou d’une sauvegarde de partie de jeu vidĂ©o, on pourrait tout Ă  fait en tirer un document lisible. J’ai toujours cet exemple en tĂȘte de ce type racontant sur reddit qui a laissĂ© tourner une partie de Civilization 2 pendant dix ans
 quel projet fascinant que celui d’en tirer un livre compte-rendu de cette fresque incroyable, ou une (longue) page Wikipedia racontant la chronologie gĂ©nĂ©rale.

2. Des jeux vidéo à un seul bouton ?
Dans diverses discussions ces temps-ci, je reviens rĂ©guliĂšrement Ă  cette question de l’interactivitĂ© facile Ă  saisir, aisĂ© Ă  employer rapidement et amusante. C’est un enjeu qui sort souvent du chapeau quand on traite de machins interactifs devant ĂȘtre utilisĂ© par une grande variĂ©tĂ© de personnes, et qui n’ont pas forcĂ©ment le temps ou la disposition pour rentrer dans un apprentissage. C’est le cas dans des lieux publics, des musĂ©es, des expos, mais on retrouve cela aussi dans les apps mobiles.

Et Ă  chaque fois qu’on aborde ce sujet, je pense tout de suite Ă  ce texte fĂ©tiche lu sur Gamasutra il y a quelques annĂ©es : One Button Games (par Berbank Green) Un texte que je relis souvent, et qui dĂ©crit avec une profusion d'exemples l'Ă©ventail de possibilitĂ©s d'actions et de mĂ©caniques ludiques avec ce mode d'interaction si basique. Le rĂ©pertoire est fantastique. A la lecture de ce document trĂšs mono-maniaque mais passionnant, on se dit que le design de one-button games devrait ĂȘtre un passage obligĂ© dans les cours de design d'interaction et de game design. Cela peut paraitre relever de l'exercice de style, dans une sorte d'Oulipo vidĂ©oludique Ă©trange, mais il me semble que c'est bien loin de se limiter Ă  ça.

((cela rappelle aussi un des exercices du designer Matt Cottam qui consiste à concevoir un prototype d' interrupteur avec toutes sortes de matériaux et modalité d'interaction par les utilisateurs.))

3. Fragments
Ces situations qui font douter de l'internet des objets: les frais d'itinĂ©rance (roaming), les rĂ©seaux Wifi catastrophiques/protĂ©gĂ©s bizarrement, la fatigue-du-fitbit (đŸ“ŸđŸ“„), les changements d’OS, la mauvaise compatibilitĂ© de protocoles entre objets, etc. (liste Ă  complĂ©ter)

Un projet de serveur pour la communautĂ© yeniche (groupe ethnique semi-nomade europĂ©en assimilĂ© Ă  tort avec les gitans et les roms) : "CrĂ©ation d'une infrastructure technique et mise Ă  disposition des informations spĂ©ciales nĂ©cessaires pour aider aux YĂ©niches de rĂ©aliser leurs propres projets sur internet. Aspect important: entreaide des YĂ©niches. Le server doit ĂȘtre servi par les Yeniches eux-mĂȘmes. Les personnes rĂ©sponsables peuvent aider les interĂ©ssĂ©s Ă  se servir de l'internet et Ă  crĂ©er leurs propres sites Web etc. Le server est aussi mis Ă  disposition des associations yĂ©niches pour le hĂ©bergement et pour la rĂ©alisation de leur propres sites Web." Me demande si les gens du voyage ont des projets de ce type.

Onglets actuellement ouverts dans le navigateur Web : Pourquoi LEGO n'a pas de MMO Minecraftien (via Charlie Lloyd). Une analyse des "armes automatiques qui ne sont pas des drones", au format fanzine papier pour 5$ et réalisé par Adam Rothstein. Jan Chipchase liste ici douze situations plausibles dans l'usage des voitures sans conducteurs (pour rebondir sur notre projet de guide design fiction). Une série de comics dans laquelle il ne reste plus que l'architecture urbaine. Un texte intitulé "HOW THE FUTURE PREDICTS SCIENCE-FICTION" qui se termine avec le message suivant "science fiction, rather than predicting the future, can actually be predicted by examining society's hopes and fears about the future."

++
nicolas
(commentaires/circulations bienvenus par email et autres canaux)
((licence CC BY-SA 3.0 FR))