Bonjour Ă  tout le monde,

(For non-francophones, there's a somewhat readable DeepL-enabled English translation below.)

💬 Expressions idiomatiques

  • æąè„ž: “visages changeants”: une expression employĂ©e en Chine pour faire rĂ©fĂ©rence aux Deepfakes provoquant des substitutions de visage, la synchronisation des mouvements lĂšvres (lip-synching) et tout autres contenus mĂ©diatiques synthĂ©tiques gĂ©nĂ©rĂ©s par des modĂšles d'apprentissage profond (Source: Gabriele de Seta).
  • Master Faces: terme technique dĂ©crivant des images faciales qui sont chacune capable d'usurper plusieurs identitĂ©s lors de la reconnaissance automatique de visage (Source: Unite.ai).
  • “ĂȘtre 480p”: un qualificatif dĂ©prĂ©ciatif de l’apparence de quelqu’un: “Le petit frĂšre de ma copine (12 ans) pour dire qu'un gars est moche il dit qu'il est en 480p (
) La vanne c'est que sur les services de visionnage de vidĂ©os, sĂ©ries, films etc il y a un outil pour gĂ©rer la qualitĂ© de l'image, et plus il y a de "p" mieux c'est, donc ça va de 144p Ă  1080p (HD) et ensuite en rĂ©solution 4K, et du coup 480p c'est assez bas donc c'est moche” (Source: @nortonlolimut).
  • Lien pourri (Link rot): processus courant de dĂ©gradation des liens sur internet pointant vers des pages ou d’autres ressources qui sont devenues indisponibles (Source: DĂ©finitions digital).
  • Digitalscheu: nĂ©ologisme allemand utilisĂ© par les promoteurs des technologies numĂ©riques, qui dĂ©signe la lenteur avec laquelle les organisations Ă©tatiques les adoptent. Scheu signifie "timide", qui dĂ©bouche sur une "forte dĂ©pendance Ă  l'Ă©gard de l'argent liquide, du stylo et du papier, et mĂȘme des tĂ©lĂ©copieurs" (Source: The Guardian).

📓 Notes de terrain (quelques notes tirĂ©es d’un enquĂȘte prĂ©-COVID19 sur les Alpes contemporaines) : Rendez-vous aujourd’hui Ă  S avec A. responsable d’une fondation dĂ©diĂ©e Ă  la sauvegarde du patrimoine de ce village valaisan, curieux de l’entendre sur la vigueur actuelle du patois de sa rĂ©gion, et, notamment sur l’évolution de son lexique avec la modernitĂ© technique. AprĂšs m’avoir prĂ©sentĂ© l’étendue (impressionnante) des activitĂ©s de sa fondation — enregistrements audio prĂ©servant la texture orale du patois local, co-organisation d’évĂšnements, publication d’ouvrages — elle me montre le Lexique qu’elle a produit Ă  son propos. Un solide tome de neuf cent pages qui fait Ă  la fois office de dictionnaire patois/français, mais Ă©galement de tĂ©moignage de la culture locale et de son histoire. Si Ă©videmment l’immense majoritĂ© des termes prĂ©sents dans cet ouvrage a trait au milieu agricole alpin, Ă  la famille et Ă  des mĂ©tiers maintenant disparus, quelques un montrent le tĂ©lescopage avec le monde d’aujourd’hui et ses objets.

Nous parcourons ensemble quelques expressions, et je m’arrĂȘte principalement sur le vocabulaire liĂ©s aux artefacts du quotidien. Tout comme le français par rapport Ă  l’anglais, les emprunts sont lĂ©gion, mais la prononciation des transferts d’une langue Ă  l’autre peut varier. On passe ainsi de tĂ©lĂ©phone Ă  TĂ©ouĂ©fĂłne, de tĂ©lĂ©vision Ă  TĂ©ouĂ©vijyon, d’information Ă  Ă«nfĂČrmasyon. Les emprunts peuvent aussi subir des altĂ©rations — Ă«npremƍ pour imprimante — ou des troncations, comme Ă©trisitĂ© (Ă©lectricitĂ©). Si « Internet » reste stable, le Web peut se voir dĂ©signer par la locution en patois de toile d’araignĂ©e ou de tissu (terdin-na, terdo, tioua, tsacha). Pour d’autres objets techniques du quotidien, A. me montre aussi des mĂ©ronymies, c’est-Ă -dire des expressions par lesquelles l’entitĂ© est dĂ©signĂ©e par la partie. La lampe de poche est ainsi dĂ©nommĂ©e « la pile » (et non ouanpa pour lampe). Plus curieux encore, l’usage des pĂ©riphrases est courant, l’aspirateur devant le pecapousa, le mange-poussiĂšre (du verbe peca, pour manger en parlant du bĂ©tail et pousa : poussiĂšre). Enfin, des nĂ©ologismes tels que Ă«nvinsyĂłnĂ©rĂł (ingĂ©nieur/inventeur) sont construits sans que l’on en sache bien l’origine. La domestication des techniques passe par le mot.

👀 Onglets ouverts dans le navigateur : cet entretien Ă  propos des promesses et (surtout) des limites des logiciels de reconnaissance d’émotion, ce court article Ă  propos des curieuses reprĂ©sentations de formes de vie artificielles produites par des rĂ©seaux de neurones comme exercice de “rĂ©-imagination” du vivant, cet atelier de degamification workshop pour dĂ©couvrir et contrer les mĂ©canismes incitatifs transfĂ©rĂ©s depuis les jeux vidĂ©o vers tout et n’importe quoi, un double numĂ©rique de la Terre employĂ© pour ”dĂ©velopper les meilleures stratĂ©gies d’attĂ©nuation et d’adaption” contre le rĂ©chauffement climatique, un article Ă  propos des chasseurs de cartes graphiques (“GPU hunters”), une critique de la terminologie de science-fiction, du “cerveau positronique” au “Nutrimatic Drinks Dispenser”
 et cette thĂšse fascinante d’Alice Ray sur l’analyse du traitement des termes-fictions dans la traduction de l’anglais au français de la littĂ©rature de science-fiction.

MalgrĂ© sa connotation un peu clichĂ©e, je trouve intĂ©ressant Ă©galement cette notion “d’objectivitĂ© lune de miel” (honeymoon objectivity) trouvĂ© chez Sun-ha Hong dans Real Life Mag, et qu’il dĂ©crit comme "l'incitation Ă  tomber amoureux de chaque nouvelle technologie au moment mĂȘme oĂč nous rompons avec la prĂ©cĂ©dente, entretenant un cycle stagnant dans lequel la prochaine grande invention, le prochain gĂ©nie transgressif, promet Ă  nouveau de livrer une utopie d'absence de friction et de certitude objective." Un terme opportun pour aborder les questions de MĂ©tavers ou de Web3 comme on s’en rend compte dans cet article de The Atlantic – Ă  propos des entrepreneurs du numĂ©rique qui fatiguĂ©s des enjeux posĂ©s par leurs projets antĂ©rieurs foncent tĂȘte baissĂ©e vers d’autres fronts.

Merci de votre intĂ©rĂȘt pour Lagniappe!

💬 Digital Parlance:

  • æąè„ž (Huanlian, literally “changing faces”): a Chinese term for Deepfake face-swapping, lip-syncing, and other synthetic media generated with deep learning models (Source: Gabriele de Seta)
  • Master Faces: “facial images that are each capable of impersonating multiple IDs” (Source: Unite.ai)
  • “480p”: a qualifier sometimes used by French people to refer to to someone’s appearance: “My girlfriend's little brother (12 years old) to say that a guy is ugly he says he is in 480p (...) The joke is that on video viewing services, series, movies etc. there is a tool to manage the quality of the image, and the more "p" there is the better it is, so it goes from 144p to 1080p (HD) and then in 4K resolution, and then 480p is quite low so it's ugly” (Source: @nortonlolimut).
  • Link rot: “the phenomenon of hyperlinks tending over time to cease to point to their originally targeted file, web page, or server due to that resource being relocated to a new address or becoming permanently unavailable” (Source: Wikipedia)
  • Digitalscheu: a German neologism used by promoters of digital technologies that refers to being slow at adopting them in state organizations. Scheu means “shy”, i.e. “expressed best in its heavy dependence on cash, pen and paper, and even fax machines.” (Source: The Guardian).

📓 Field notes (few notes from a field research project about the Alps): Met today with A., the head of a foundation dedicated to the preservation of the heritage of this Valaisan village, curious to hear about the current vigor of the patois of her region, and, in particular, about the evolution of its lexicon with the technical modernity. After presenting the (impressive) scope of her foundation's activities - audio recordings preserving the oral texture of the local dialect, co-organization of events, publication of books - she shows me the Lexicon she has produced about it. A solid nine hundred page tome that serves both as a patois/French dictionary, but also as a testimony of the local culture and its history. While the vast majority of the terms in this work obviously relate to the alpine agricultural environment, to the family and to trades that have now disappeared, some of them show the telescoping with today's world and its objects. We will go through a few expressions together, and I will mainly focus on the vocabulary related to everyday artifacts.

Just like any lagnguage, borrowing terms is quite common, but the pronunciation of transfers from one language to another can vary. Thus, we go from telephone to TĂ©ouĂ©fĂłne, from television to TĂ©ouĂ©vijyon, from information to Ă«nfĂČrmasyon. Borrowings can also undergo alterations – Ă«npremƍ for printer – or truncations, like Ă©trisitĂ© (electricity). While the term "Internet" is often used, the Web can be referred to by the patois locution of spider's web or fabric (terdin-na, terdo, tioua, tsacha). For other technical objects of everyday life, A. also shows me metonymies, i.e. expressions by which the entity is designated by the part. The flashlight is thus called "the battery" (and not ouanpa for lamp). Even more curious, the use of periphrases is common, the vacuum cleaner before the pecapousa, the dust-eater (from the verb peca, to eat when talking about cattle and pousa: dust). Finally, neologisms such as Ă«nvinsyĂłnĂ©rĂł (engineer/inventor) are constructed without the origin being well known. The domestication of the techniques passes by the word.

👀 Tabs currently opened in my web browser: this interview about the promises and pitfalls of emotion-sensing software, this short article about curious life-form visuals produced by neural networks as an exercice of re-imagining, this degamification workshop to uncover (and fight) gamification techniques, a digital twin of the Earth used to “develop the best strategies for mitigation and adaptation” against Climate change, an article about GPU hunters “ helping others find an estimated 50,000 graphics cards (and counting) in exchange for affiliate revenue”, a funky critique of science-fiction terminology from “positronic brain” to “Nutrimatic Drinks Dispenser”.

Even though the term is a bit clichĂ©, I find interesting this notion of honeymoon objectivity” found in this article in Real Life Mag by Sun-ha Hong : “the incitement to fall in love with each new technology just as we break it off with the previous one, maintaining a stagnant cycle in which the next great invention, the next transgressive genius, again promises to deliver a utopia of frictionlessness and objective certainty.” An idiom that seems quite relevant at dealing with things such as Metaverse or Web3
 as attested by this recent piece in The Atlantic about tech entrepreneurs who got bored by their former projects and explore new golden rushes.

Cheers!

– nicolas

Lagniappe is a self-supported initiative of the Near Future Laboratory.

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