Le bunker vu de près

28719394754_a9fa57832a_k.jpg 28719399004_58e1fb1ea2_k.jpg 29234558422_89165890b7_k.jpg 28 août 2016, Orsière (Suisse). Un bunker de l'Armée Suisse, vu de plus ou moins près, révèle le vieillissement d'une simili-roche grises grillagée.

Tartarin et le théatre helvète

  29055182400_b68cdd70eb_k.jpg 14 août 2016, Kandersteg (Suisse). Quelques pelles mécaniques stationnées sur le chemin d'une balade vers le Oeschinensee me font penser au début du cinquième chapitre de Tartarin sur les Alpes d'Alphonse Daudet :
"Il en fallait de l’argent, figurez-vous bien, pour affermer, peigner et pomponner tout ce territoire, lacs, forêts, montagnes et cascades, entretenir un peuple d’employés, de comparses, et sur les plus hautes cimes installer des hôtels mirobolants, avec gaz, télégraphes, téléphones !... – C’est pourtant vrai, songe tout haut Tartarin qui se rappelle le Rigi. – Si c’est vrai !... Mais vous n’avez rien vu... Avancez un peu dans le pays, vous ne trouverez pas un coin qui ne soit truqué, machiné comme les dessous de l’Opéra ; des cascades éclairées a giorno, des tourniquets à l’entrée des glaciers, et, pour les ascensions, des tas de chemins de fer hydrauliques ou funiculaires. Toutefois, la Compagnie, songeant à sa clientèle d’Anglais et d’Américains grimpeurs, garde à quelques Alpes fameuses, la Jungfrau, le Moine, le Finsteraarhorn, leur apparence dangereuse et farouche, bien qu’en réalité, il n’y ait pas plus de risques là qu’ailleurs. – Pas moins, les crevasses, mon bon, ces horribles crevasses... Si vous tombez dedans ? – Vous tombez sur la neige, monsieur Tartarin, et vous ne vous faites pas de mal ; il y a toujours en bas, au fond, un portier, un chasseur, quelqu’un qui vous relève, vous brosse, vous secoue et gracieusement s’informe : « Monsieur n’a pas de bagages ?... – Qu’est-ce que vous me chantez là, Gonzague ? » Et Bompard redoublant de gravité : « L’entretien de ces crevasses est une des plus grosses dépenses de la Compagnie. »

The artefacts of the invisible

IMG_7465.JPG "Camera Obscura and the artefacts of the invisible" is a project by Vanesa Lorenzo Toquero conducted at HEAD – Genève:
A work master about the abstract poetry of invisible data hidden in nature and brought visible through the use of cybernetics, DIY machines and bioengineered organisms in the age of the Anthropocene. By merging electronic media and citizen science, this research and interactive installation uses bio reporters as a tool to gain understanding of a microbe's perception of the Anthropocene. Like in a “Camera Obscura”, the viewer can choose to witness a timeline of environmental changes since 1970’s in Rhône Valley by observing an hyper realistic representation through a hole. Inside this black box, a manual lever triggers a clock mechanism with a carrousel that contains water samples with fluorescent bacteria (bio-reporter) that reacts to heavy metals. A system with LEDs, lenses and light captors will excite the fluorescence of the sample and read the amount of pollution (fluorescence and turbidity) that is inside. A microcontroller will translate data in order to guide the piping system that will deliver bits of black ink into a spherical carboy of glass filled with water. The more people approach to see what happens inside, the more visible it becomes the traces and anxieties of our progress. As a proof of the invisible microcosms and biodiversity, 12 petri dishes are located in a table with its GPS coordinates along an engraved footprint of the Rhône river from Visp to Geneva.

"Ring the Cows"

Screen Shot 2016-06-23 at 11.09.23 "Ring the Cows" par Alain Bellet :
Le son des cloches de vaches est indissociablement lié au paysage suisse. L’artiste Alain Bellet transforme un troupeau de vaches en orchestre et le tintement anarchique en musique. Chacune des cloches est commandée à distance pour faire résonner dans le pré une musique spécifiquement composée pour cet «instrument». Les douces bêtes pourront continuer à brouter paisiblement et ainsi emmener les mélodies avec elles. Une expérience spatio-sensorielle surprenante

Les Alpes, créature de Frankenstein

26955070176_f983dc42ce_k 16 juin 2016, Pré Byron, Cologny (Suisse). L'anniversaire ce jour de l'écriture à Genève d'une des oeuvres séminales de la science-fiction –  le "Frankenstein; or, The Modern Prometheus" de Mary Shelley – me fait prendre conscience que les Alpes sont partie prenante de ce croisement entre ce territoire et l'anticipation vers des futurs possibles. Et cela, donc dès la naissance du genre. Si le roman a été rédigé dans le Canton de Genève, à la Villa Diodati représentée en photo ci-dessus, les pérégrinations dans les Alpes de Victor Frankenstein et de sa créature, font également l'objet de multiples descriptions. Par exemple, la première confrontation entre ces deux protagonistes, moment éminent de tension, a lieu au Montenvers,  au-dessus de Chamonix, à proximité de la Mer de Glace. La citation suivante est également intéressante en ce qu'elle souligne le caractère singulier de l'espace alpin :
"Plus je remontais la vallée, plus celle-ci prenait un caractère prestigieux et éclatant. Les chateaux en ruine suspendus au bord des précipices, sur des montagnes couvertes de pins.; l'Arve impétueuse, les chalets apparaissant çà et là parmi les arbres formaient un spectacle d'une singulière beauté. Mais celle-ci  était accrue et rendue sublime par les Alpes puissantes, dont les dômes et les pyramides brillantes de neige s'élevant au-dessus de tout, semblaient appartenir à un autre monde habité par des êtres d'une autre race." (p.115)
Si les montagnes semblent aussi esthétiques qu'immaculées, la description que Shelly fait ensuite de ravins, de sombres précipices et d'orages déchaînés rappelle la dualité, chère aux romantiques, de ces lieux. Enfin, au-delà de ce constat, la métaphore de la créature de Frankenstein, assemblage d'humains et de machines, pourrait bien être fertile afin de saisir les Alpes et leur évolution. Les montagnes elles-mêmes, de nature tourmentée par les forces géologiques, sont maintenant faites de réseaux électriques, de canalisations de gaz, de data centers, de tunnels et de remontées mécaniques.

Inauguration du tunnel du Gothard

Screen Shot 2016-06-07 at 10.44.44 4 juin 2016, Biasca (Suisse). Week-end d'inauguration du tunnel. Une cérémonie qui a visiblement dérouté une élue UDC :
Die Einweihung des Gotthard-Basistunnels im Herzen unserer Heimat sollte grundsätzlich mit unseren schweizerischen Grundwerten gewürdigt werden. Tanzende Derwische haben damit gar nichts zu tun. Mit tanzenden Derwischen, welche gemäss der Enzyklopädie des Islams eine Form der Annäherung an Allah bedeuten, werden unsere Grundwerte jedoch verraten. Teilt der Bundesrat diese Sorgen aus der Bevölkerung?
La réponse de la confédération est cependant sans appel :
Die künstlerische Inszenierung mit dem Leitbild "Mythos Gotthard" bedient sich ausschliesslich an Figuren und Sagen, die der Alpenkultur entstammen. Bei den angesprochenen Figuren handelte es sich nicht um Derwische, sondern um tanzende Heuhaufen.

Snowboarding tricks

IMG_7268 29 mai 2016, Vevey (Suisse). Deux double-pages de la revue de snowboard whiteout (#32 et #39, photographes non précisés). Diverses figures qui illustrent la circulation des tricks du skateboard transposés dans le contexte moins urbain de divers villages alpins que sont Bosco Gurin (Suisse) et Les Portes du Soleil (Suisse/France). Voir aussi la vidéo projectDETOUR à la minute 1:45. IMG_7270.JPG

Toilettes rupestres

26632113313_1ca0fb0cc2_o 25 mai 2015, dans le train Genève-Lausanne. Les lieux d'aisance de l'InterCity 717 de 10h42, qui fait quasi office de métro suisse sur la ligne Genève aéroport/St. Gallen, offrent un panorama de choix. Une première approche toute en douceur pour la découverte des sommets alpins.

Alpi, Armin Linke

edition_big Une bonne découverte, via Yann Chataigné, le projet Alpi de l'allemand Armin Linke et Piero Zanini. Alpi documente les multiples facettes de l'espace Alpin. De lieu de tournage pour les films de Bollywood à sa présence "virtuelle" sous la forme d'une station de ski indoor à Dubai, d'espace cosmopolite pour les élites lors du World Economic Forum de Davos à ses mutations dues au changement climatique, les Alpes apparaissent ici comme un lieu de choix pour observer les mutations du monde contemporain. https://vimeo.com/21761195  

Italian Limes et la frontière mobile

Marco Ferrari, du studio Folder, m'a envoyé le site web de son nouveau projet. Cela s'appelle Italian Limes, avec le sous-titre éloquent "Mapping the shifting border through Italy’s Alpine glaciers". italian-limes-gallery-10 (Crédits photo: Italian Limes / Delfino Sisto Legnani) Le projet repose sur un caractère singulier de la frontière austro-italienne dans les Alpes. Celle-ci est en effet un cas de "frontière mobile", se déplaçant au gré des modifications naturelles et graduelles de la ligne de partage des eaux. Laquelle correspond à la fonte du glacier:
The project focuses on the effects of climate change on shrinking ice sheets and the consequent shifts of the watershed that defines the national territories of Italy, Austria, Switzerland and France. Investigating the fragile balance of the Alpine ecosystem, Italian Limes shows how natural frontiers are subject to the complexity of continuous ecological processes and their political enactment, depending on the technologies and norms that are used to represent them. The project explores the condition of post-Schengen Europe, where borders are intended to fade away, but are simultaneously claimed by governments as the ultimate defence of the nation state. A network of apparently dormant 19th-century frontiers has waken up from the dream of a borderless continent, and materialised into a 21st-century psychosis of police checks, barbed wire fences, migrant encampments, proxy sovereignties and displaced jurisdictions.
Italian Lime repose sur une enquête de terrain originale, que l'on peut prendre comme un exemple remarquable d'ethnographie par la création :
A grid of autonomous measurement units—installed at 3,300m above sea level in the midst of the Ötztal Alps, tracks the evolution of the glacial watershed and broadcasts its data to a drawing machine, printing a real-time representation of the movable border across the Alps.

41 montagnes

Reconstituée à la loupe, la fameuse liste des quarante-et-un sommets évoquée l'autre jour, à propos de la nouvelle coupure de 50 CHF. Les noms sont placés sur le billet avec une écriture si réduite qu'elle m'a rappelé les microgrammes de Robert Walser.
Aletschhorn Allalinhorn Alphubel Bishorn Breithorn Castor Dent blanche Dent d'hérens Dürrenhorn Dom Dufourspitze Finsteraarhorn Grand Combin Gross Fiescherhorn Gross Grünhorn Hinter Fiescherhorn Hobärghorn Jungfrau Lagginhorn Lauteraarhorn Lenzspitze Lyskamm Ludwigshöhe Matterhorn Mönch Nadelhorn Nordend Ober Gabelhorn Parrotspitze Piz Bernina Pollux Rimpfischhorn Stockhorn Signalkuppe Stecknadelhorn Strahlhorn Täschhorn Weisshorn Weissmies Zinalrothorn Zumsteinspitze

Objet alpin #1: la grolle

26955090256_b155244603_k Premier mai 2016, Chapareillan (Isère, France). La grolle, dans sa version savoyarde, que l'on retrouve également dans un autre format chez les valdôtains. Récipient en bois servant à boire un mélange de café et d’eau de vie dans les grandes occasions, son nom proviendrait du fait que les bergers de savoie versaient ces liquides dans leurs sabots.

La montagne du nouveau 50

IMG_6879 12 avril 2016. La Banque Nationale Suisse vient de lancer l'émission et la diffusion du nouveau billet de 50 CHF. Appartenant à la neuvième série, il a été dessiné par la graphiste zurichoise Manuela Pfrunder et imprimé par Orell Füssli Sicherheitsdruck AG.
La neuvième série de billets de banque a pour thème «La Suisse aux multiples facettes». Chaque coupure montre un aspect caractéristique de la Suisse qu’illustrent divers éléments graphiques. Ainsi, le billet de 50 francs présente la Suisse comme un pays invitant à l’aventure. Il a pour élément principal le vent, lequel évoque la richesse des possibilités. La main et le globe terrestre sont des motifs dominants qui figurent sur chacune des coupures.
Il s'agit de la même couleur que le précédent, mais le visage de Sophie Taeuber-Arp a été remplacé par le passage d'un parapentiste devant une montagne. Mais de laquelle s'agit-il ? Peut être l'une de celles dont le nom est écrit en caractère brillant au dos de cette coupure, puisque l'on trouve une liste de 41 sommets helvètes. Est-ce que ce nombre est un clin d'oeil à l'indicatif téléphonique du pays (+41) ?

Eléments de méthode #1

"Par son regard embrassant un panorama, proche ou lointain tout en s'arrêtant sur certaines inflexions du sentier grâce aux sensations de son corps (la montée,le plat, le faux plat, la descente), visualisant les différentes couches géologiques de la montagne, l'étagement de sa végétation, le feuilleté minéral, l’habitat particulier, recompose une vision et une expérience du monde. Il rencontre enfin, cet historien-marcheur, des traces matérielles qu’il traverse physiquement : archives naturelles du passé, cultures témoignant de l’action des hommes, bâtiments, habitations, monuments, quartiers, signalisations renvoyant à un contexte précis, documents divers récupérés sur sa route grâce aux notes, aux souvenir, au 'butin' prélevé, devenant lui-même, par son corps, ses pensées, son journal de bord et son sac à dos, une forme d’archive ambulante de l’histoire d'une montagne"
Antoine DE BAECQUE, La traversée des Alpes. Essai d'histoire marchée, NRF Gallimard, 2014, p. 26.

Objet Suisse #2: couverture de l'armée

26328941415_38e422159d_k28 mars 2016, Geschinen (Valais, Suisse). Lu sur le ce site:
Produites de la fin du 19ème siècle au début des années 60 puis stockées dans des dépôts militaires dans les Alpes suisses. Toutes sont fabriquées à la main en pure laine de mouton et se déclinent en plusieurs nuances de gris-brun. Chaque couverture possède une bande rouge de chaque côté. Toutes les bandes sont ornées d’une croix suisse particulièrement travaillée: d’abord on préparait de petites tresses de laine blanche qui étaient ensuite feutrées dans la couverture avec une technique unique. Certaines croix sont très blanches et très denses, sur certaines on peut voir les tresses de départ, d’autres peuvent être plus fines ou plus petites, même plus asymétriques, signe d’une véritable qualité «fait-main».
Un objet que l'on retrouve couramment dans les camions de déménageurs, fort utile pour protéger vos meubles fragiles des chocs et des rayures. Vu par exemple ici à Genève, rue du Général Dufour : 26236558872_d2abda2579_k

Fauxklore autrichien

13012874_10206351585528383_3749386041508023854_n (Crédits photo: Supercargo) Un projet artistique de Peter Moosgaard (Supercargo) en collaboration avec Nuleinn (DK), tiré de l'atelier "Practices in Fakelore" qui s'est tenu au Museum am Bach (Autriche), dans le cadre de l'exposition "Designing Beauty". Cette télécabine en bois est une exploration astucieuse de la notion de "Fakelore", que l'on pourrait dire par "fauxklore" (faux-folklore) que Wikipedia (EN) définit comme le pseudo-folklore, souvent inauthentique et produit comme s'il était véritablement traditionnel.

Contournement ouest

Le trajet ferroviaire de Genève à Marseille permet d’observer la lisière Ouest des Alpes. En suivant plus ou moins le Rhône, le train longe le massif alpin, et la mise à distance des montagnes n’est que relative, puisque l’on peut toujours garder un œil sur les crêtes si le ciel dégagé le permet. Même dans la plaine de l’Ain ou depuis Lyon. En contournant les Alpes d’une telle manière — ce qui nécessite entre 3 heures 32 minutes et 5 heures 4 minutes selon les trains disponibles et les aléas — on se rend compte de la présence d’une skyline continue, immense, au découpage parfois vif, parfois doux, que l’on peut suivre sur des centaines de kilomètres. Et si la végétation change autour de la voie ferrée évolue, la rigueur géologique du massif alpin tient lieu de point de repère stable et vigoureux au cours d’un voyage qui n’est en presque plus vu la vitesse du trajet. Dans la vallée du Rhône, comme le dit mon voisin de TGV – un retraité belge qui suit du doigt la silhouette du Mont Ventoux sur la vitre du train – “c’est un trait continu qui se rapproche et qui s'éloigne”. Arrivé en gare de Marseille Saint-Charles, on sort sur le parvis, et on se dit « voilà, j’ai fait le tour par l’Ouest ».