Lenteur

trainlent 13 avril 2016, Genève (Suisse). Lu dans le 20 minutes du jour, une publicité pour un train express paradoxalement très lent.

Code/Space

IMG_6672.JPG 10 avril 2016, La Clusaz (France). L'accès aux pistes de ski de fond sous la forme de portiques finalement peu différent de ceux du métro parisien : un portique, un lecteur de cartes à radiofréquence, et un tourniquet qui permet le passage lors de la validation. Laquelle ne nécessite d'ailleurs pas de sortir la carte de sa poche, puisque celle-ci peut être détectée à environ un mètre. Au-delà de la gestion des accès, ce système permet aussi de quantifier le passage des skieurs, puisque chaque validation est enregistrée dans une base de données. Un tel mode opératoire permet à la fois une délégation aux machines du filtrage (cent mètres plus bas il est pourtant possible d'accéder aux pistes sans portique) et de l'analyse de la fréquentation du domaine skiable. Ces "portes" automatisées organisent ainsi l'espace d'une manière bien spécifique qui rappelle ce que les géographes Martin Dodge et Rob Kitchin ont nommé "code/space". Avec ce terme, ces auteurs font référence à tous ces lieux dont le fonctionnement dépend d'une infrastructure technique et du langage informatique : l'accès nécessite l'acquisition d'un identifiant numérique qu'il faut acquérir. Nous avons ici la variante alpine du code/space décrit par Dodge et Kitchin dont le travail a plus abordé les aéroports.

Un renouvellement sans fin

"L’histoire de la montagne est celle de la planète elle-même ; c’est une destruction incessante, un renouvellement sans fin, chaque phénomène entre à son tour dans le circuit d’une création nouvelle. Tout ici est en constant mouvement. […] Ainsi sollicité, j’essayai de connaître la vie présente et l’histoire passée de la montagne sur laquelle nous vivons comme des pucerons sur l’épiderme d’un éléphant."
Élisée RECLUS, Histoire d’une montagne, Herschel, 1880 ; rééd. Gollion, Infolio, 2011, avec une introduction de Joël Cornuault, pp. 24-25

"C'est pour les touristes !"

"Néanmoins ce qui se passe n'est pas pour touristes d'abord car devant le grand mouvement de la montagne et l'analyse complexe à en faire, il importe avant tout d'éviter un regard, un stéréotype, un piège que l'on voit se généraliser et que l'on entend dans la formule 'C'est pour les touristes !' Ce vieil argument repérable de longue date dans le regard des citadins leur fait dire qu'à chaque fois que les montagnards changent c'est nécessairement dans le sens autre que ce qu'ils attendaient. Il importe donc de se donner un règle d'observation stricte. Les indigènes ne font rien pour les touristes qui ne corresponde d'abord pour eux à une signification profonde en tant que nouvelle quête d'identité et nouvelle image de soi. Non, ni les jolis villages, ni les charmants cortèges, ni les coquets arrangements, ni les joyeux artisans néo et anciens ne sont là d'abord et seulement 'pour les touristes.' Ils sont là pour être vus et répondent au voir d'en bas, mais ils correspondent à un sens anthropologique profond. De la même manière, il faut comprendre que la nouvelle macro-montagne (dont fait partie le tourisme) n'est pas là d'abord et seulement 'pour les touristes', mais qu'elle correspond à la signification indigène d'une montagne en invention dans ce grand mouvement de production de la société."
Bernard CRETTAZ, La Beauté du reste. Confessions d'un conservateur de musée sur la perfection et l'enfermement de la Suisse et des Alpes, Zoé, 1993, pp. 126-127.

Un monument pour un village enseveli

bo-li-ge-men-underground-village-dpages-blog-1 Bo Li et Ge Men, deux étudiants en architecture à ETHZ, ont produit en 2012 ce projet "Resonance, memory" (qui leur a valu un prix VELUX). Il s'agit d'un monument à la mémoire d'un village alpin hypothétique enseveli par une avalanche ou un glissement de terrain.
The theme of the contest, “Light of tomorrow”, inspired the students, Bo Li and Ge Men, to create a stunning memorial for a hypothetical Swiss Alps village buried by a landslide. The students worked with columns of transparent thermo plastic which were (hypothetically) planted in the subterranean ground. Not to be kept in the dark, the columns then extend up through the layer of earth above and into the open landscape. The cyclic link between the two “villages” is completed as sunlight travels down through the rods back to their subterranean source. Here, each thermoplastic stick is strategically sanded to create a matte surface upon which the sunlight refracts and shines out in the shape of the lost structures. Such a beautiful way to lend form to memory especially as we move forward into a new year.

New forms of representation

"Literature and art are confronted with particular challenges by the idea of the Anthropocene. Old forms of representation are experiencing drastic new pressures and being tasked with daunting new responsibilities. How might a novel or a poem possibly account for our authorship of global-scale environmental change across millennia – let alone shape the nature of that change? The indifferent scale of the Anthropocene can induce a crushing sense of the cultural sphere’s impotence. Yet as the notion of a world beyond us has become difficult to sustain, so a need has grown for fresh vocabularies and narratives that might account for the kinds of relation and responsibility in which we find ourselves entangled."
Robert Mcfarlane (The Guardian, 2016)

Assemblage d'infrastructures

DSC01075 (1) DSC01056 (1).jpg 27 mars 2016, Vallée de Conches (Valais, Suisse). Un assemblage saisissant d'infrastructures au coeur des Alpes. En parallèle du Rhône qui descend la faible pente, la vallée est irriguée par plusieurs autres réseaux : le train Matterhorn Gottard Bahn (MGB qui transporte autant les passagers que les véhicules en ferroutage pour éviter le col de la Furka), la route, les cables électriques aériens, le réseau de gaz sous-terrain (indiqué par les panneaux oranges swissgas) et les pistes de ski de fond, vélo et raquette. Ces réseaux ne sont pas indépendants les uns des autres puisque des passages à niveaux coupe les routes lors de l'arrivée du MGB, et que le forfait de ski de fond donne droit à l'usage du train entre Niederwald et Oberwald. DSC01074 (1)DSC01089 (1).jpg

L'homme-chèvre

1439305614986101 (Photo par Tim Bowditch) Thomas Thwaites, designer spéculatif formé au Royal College of Art (Londres) sort ces jours-ci un livre témoignant de son expérience curieuse qui a consisté à vivre avec des chèvres dans les montagnes Helvètes. Un projet qui l'a amené à devoir concevoir des jambes-prosthèses et à passer un temps phénoménal à s'immerger dans une autre espèce, "en prenant des vacances avec le fait fait d'être humain".

"un paysage technologique très curieux, hétérogène"

A la minute 22:45 de la baladodiffusion de cette émission de France Culture, le philosophe de la pensée écologique Dominique Bourg avance l'analyse suivante plutôt applicable aux Alpes :
"...très probablement, notre capacité de remédier est très faible par rapport aux enjeux que l'on a déclenchés. Du coup, il y a un moment d'acmé de la puissance qui est la nôtre. Mais on peut très bien imaginer que l'on va devoir vivre sur un écoumène, la partie de la terre habitée par les hommes en voie de rétrécissement sur le long cours, plus hostile, beaucoup plus pauvre en ressources [...] avec une disponibilité énergétique qui va devenir moins grande. On a une humanité qui va pendant un certain temps quand même tanguer sur le bateau terre. Et une humanité qui ne pourra pas se résoudre à une position simple. Elle sera obligée de maintenir des instruments sophistiqués, parce que tout ce qu'on sait de la nature, on le sait au-delà de nos sens, on ne le sent que par les sciences. Pas de sciences sans techniques complexes, pas de sciences sans une certaine forme de progrès technique. Et en même temps, nous n'aurons pas les moyens de diffuser les techniques, ne serait-ce que parce qu'il n'y aura plus de métaux, il faudrait une infinité d'énergies pour pouvoir continuer à les chercher avec un coût environnemental terrible. Donc on risque d'avoir un paysage technologique très concentré, très curieux. [...] Totalement hétérogène, avec un mélange de low et de high-tech."

Les Alpes

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(Les villes des Alpes, par Wilfried Tissot, CC BY-SA 3.0)

Les Alpes ça commence où ? Ce sont juste les montagnes, ou cela comprend aussi les plaines ? Les sommets et pentes enneigés, ou également les villes ? Un peu tout cela visiblement. D'après Wikipedia, ce territoire alpin, toujours décrit au pluriel, s'étale sur huit pays, de la France à la Slovénie, en passant par la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, sans oublier, le Liechtenstein et Monaco.

Machine wilderness

Quite an inspiring and stimulating approach for Desalpes:
“Machine Wilderness explores what our technologies could look like if they are native to our landscapes, part of material flows, food chains and layers of communication. In particular it looks at environmental robotics, designing ‘pseudo-organisms’ that relate to specific habitats. This program starts from the viewpoint of an organism as an expression of its habitat and works within a long term view of interacting populations surfing collectively on the geological and meteorological currents that carry them.”
We Make Money Not Art, 2016

Carnaval du Loetschental 2016

24776110231_29329a33b7_k24752980472_a4648685f3_o.jpg24870996875_e724667005_k24776758651_b51a59cd34_k24871131125_6e0198db4e_o.jpg 6 février 2016, Wiler (Valais, Suisse). Défilé de Carnaval du samedi avec les Tschäggättä, ces personnages carnavalesques masqués qui sont caractéristiques de la vallée du Lötschental. Les accoutrements varient suivant les personnages, avec des masques plus ou moins contemporains, indiquant la perméabilité plus ou moins grande avec d'autres sphères culturelles.

Objets vernaculaires

23714989833_780292cf83_k 30 décembre 2015, Praz sur Arly (France). Sur les façades des chalets alpins, il est courant de trouver différents objets. Les fourches d'antan sont présentent, comme un souvenir d'un autre temps, mais des artefacts plus contemporains les ont rejoints. C'est le cas de cette antenne parabolique habilement repeinte de couleur brune, en harmonie avec le bois vieilli. L'ensemble forme un assemblage curieux, une mise en série qui n'est pas forcément chronologique. On rencontre ici des outils, des instruments et des appareils, qui, chacun en leur temps, indiquent les manières d'être au monde et d'interagir avec lui.

Rhodanie

IMG_6816 Rhodanie, par Bertrand Stofleth, vu ce jour au Pont de la Machine (Genève)
Rhodanie propose une série photographique de style documentaire suivant le cours du Rhône sur plus de 850 km, depuis sa source sur le glacier en Suisse jusqu’à ses embouchures en mer Méditerranée. Le photographe Bertrand Stofleth construit entre 2007 et 2014 des saynètes donnant à voir le fleuve comme un spectacle permanent.
Comme le souligne cet article de Caroline Stevan dans le journal Le Temps, le titre n'est pas anodin et laisse à croire qu'il s'agit d'un pays imaginaire formé autour du Rhône :
Rhodanie permet de créer un univers et de tisser un lien avec l’Arcadie, ce territoire existant mais sublimé et fantasmé à propos duquel on évoque toujours une harmonie entre l’homme et la nature. Ce projet n’est pas l’histoire du Rhône, je voulais sortir du côté régionaliste. Le fleuve est le prétexte, il n’est pas intéressant en tant qu’objet mais par ce qu’il véhicule pour nous.

Le Sten Mark II du maquis

22278095773_c4d358e5c6_k 8 novembre 2015, plateau des Glières (France). Un élément de décoration du restaurant Notre Dame des Neiges, un Sten Mark II, pistolet-mitrailleur anglais, arme légère à tir tendu caractéristique des maquisards français du coin durant la Seconde Guerre Mondiale. Traces d'une époque marquante du plateau.

Air en boite

17482618712_586546df64_o 10 mai 2015, Bâle (Suisse). Cette boite de conserve vide, contenant de l'air alpin, m'a rappelé les grognements d'un ancien professeur de biologie qui râlait contre la croyance dans "la pureté de l'air". S'il ne remettait pas en cause la qualité de l'air, le terme de "pureté" l'énervait au plus haut point. Des années plus tard, la découverte d'un tel produit en vente dans la commerce m'a refait penser à tout l'imaginaire associé à cet élément intangible qu'est l'air. Cette boite m'a aussi fait penser au projet de design spéculatif "Economic Wars" de Gaëtan Stierlin lorsqu'il était à la HEAD – Genève. Celui-ci avait produit plusieurs objets, dont de l'air en conserve, qui reposait sur le scénario prospectif suivant :
In 2025, most of the Switerzland (public services, the mountains) is into the hand of foreign investors (mostly China). This investors control also the government. The Federal Counsil wants Swizterland to keep the beautiful image we have, so they're using massive propaganda to convict the swiss to be happy and confident, has if nothing is happening. Swiss people feel like strangers in their own country, because they have to reimport swiss products, like the Kinder chocolate. The investors love it so much, it's totally exported to China for themselves.